Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/52

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serment, je me souviens aussi que, lorsque vous eûtes balayé la poussière de votre gosier, vous devîntes un tout autre homme, et qu’au lieu de nous donner, comme auparavant, l’ordre de battre en retraite, vous vous mîtes à crier de toutes vos forces : Allons, mes braves de la Grande-Bretagne, encore une charge ! — Il est vrai que je ne suis que trop porté à la témérité pendant l’action ; mais vous vous trompez, mon bon Hereward ; le vin dont j’ai goûté pendant la chaleur et la fatigue du combat n’était pas celui qui avait été mis à part pour la bouche sacrée de Sa Majesté : c’était un vin de seconde qualité destiné au grand sommelier ; et, comme grand officier de la maison impériale, j’avais droit d’en prendre ma part. Le hasard malheureusement voulut que tout cela tournât mal, et fût considéré comme une offense. — Sur ma vie ! je ne vois pas que ce soit un grand malheur de boire quand on a soif. — Mais rassurez-vous, mon digne camarade, » reprit Achille après s’être disculpé à la hâte, et sans faire attention au peu d’importance que le Varangien attachait à cette faute ; « Sa Majesté impériale, dans son ineffable bonté, ne fait un crime à aucun de ceux qui ont bu ce coup mal avisé. Il a reproché au protospathaire d’avoir créé ce motif d’accusation, et il a dit, en se rappelant le tumulte et la confusion de cette journée laborieuse : « Je me suis trouvé heureux moi-même, au milieu de cette fournaise sept fois ardente, de pouvoir obtenir un coup de ce vin d’orge que boivent mes pauvres Varangiens, et j’ai bu à leur santé comme je le devais ; car, sans leurs fidèles services, j’aurais bu mon dernier coup, et puissent-ils prospérer, quoiqu’ils aient bu mon vin à longs traits. » Après avoir parlé ainsi, il se retourna d’un autre côté comme s’il eût voulu dire : « En voilà bien assez sur tout cela ; ce ne sont vraiment que de sottes et vaines accusations contre Achille Tatius et ses braves Varangiens. — Eh bien ! que Dieu bénisse son noble cœur pour avoir parlé ainsi, » dit Hereward avec plus de franchise et d’émotion que de formalité respectueuse. « Je boirai à sa santé la première fois que je porterai à mes lèvres de quoi étancher ma soif, soit de l’ale, soit du vin, soit même de l’eau d’un fossé. — C’est fort bien dit ; mais ne parle pas si haut, et souviens-toi de porter la main à ton front toutes les fois que tu nommes l’empereur, et même que tu pensées à lui. Eh bien ! Hereward, ayant ainsi obtenu l’avantage, je n’ignorais pas que le moment où l’on vient de repousser une attaque est toujours favorable pour en faire une : aussi ai-je donc accusé le protospathaire des brigandages qui ont été com-