Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/42

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barbare avait plus de poids que celui de tout ce corps chrétien, si toutefois ce sont des chrétiens : par exemple, cet homme à teint basané, qui n’a qu’une touffe de cheveux sur la tête. — Et quand cela serait, » répondit le centurion d’un air sombre et sinistre, « il y a un autre moyen pour que l’affaire ne nous expose à aucun danger. »

Sebastes, qui avait les yeux fixés sur son commandant, porta la main sur un poignard oriental caché dans sa ceinture, et d’un regard sembla lui demander s’il avait bien compris la signification de ses paroles. Le centurion fit un signe de tête affirmatif.

« Quoique jeune, dit Sebastes, J’ai déjà été pirate pendant cinq années ; j’en ai passé trois dans les montagnes comme voleur ; et c’est la première fois que je vois un homme hésiter, en pareil cas, à prendre le seul parti qui convienne à un brave. »

Harpax prit la main du jeune soldat et la serra vivement, comme pour lui faire comprendre qu’il partageait ses sentiments ; mais lorsqu’il parla, sa voix était tremblante.

« Comment nous y prendre ? » demanda-t-il à Sebastes qui, du dernier rang de soldat, venait tout-à-coup de s’élever au plus haut degré dans son estime.

« N’importe comment, répondit l’insulaire ; je vois ici des arcs et des flèches, et si nul autre ne sait s’en servir… — Ce ne sont pas, dit le centurion, les armes régulières de notre corps. — Vous n’en êtes que plus propres à garder les portes d’une ville, » dit le jeune soldat avec un éclat de rire qui avait quelque chose d’insultant. « Eh bien ! soit ; moi je sais tirer comme un Scythe ; faites-moi seulement un signe, une flèche lui fera sauter la cervelle en éclats, la seconde ira lui frapper droit au cœur. — Bravo ! mon noble camarade, » dit Harpax d’un ton d’enthousiasme affecté, mais toujours à voix basse comme s’il eût craint de réveiller le Varangien. « Tels étaient, continua-t-il, les bandits de l’antiquité, les Diomède, les Corynètes, les Sinius, les Scyron, les Procuste. Il fallut des demi-dieux pour en faire ce qu’on appelait justice, assez improprement ; et ceux qui leur ont succédé resteront maîtres du continent et des îles de la Grèce jusqu’à ce qu’Hercule ou Thésée reparaissent de nouveau sur la terre. Cependant, ne tirez pas, mon vaillant Sebastes ; ne bandez pas cet arc, mon inappréciable Mitylénien, vous pourriez blesser sans tuer. — C’est ce que je suis peu habitué à faire, » répliqua Sebastes en riant de nouveau de ce rire discordant qui avait déjà frappé désagréablement l’oreille du cen-