Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/41

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la comète dont les astrologues prédisent tant de choses étranges. — Nous sommes donc tous d’accord, reprit encore Harpax, et vous parlez comme un jeune homme modeste et de bon sens ; et je vous garantis qu’en dépouillant de nos mains ce barbare, l’État ne perdra rien. Chacun de ces sauvages a un double assortiment d’armes et d’armures ; les unes damasquinées, et incrustées d’or, d’argent ou d’ivoire, leur servent à remplir leurs fonctions dans la maison du prince ; les autres, garnies d’un triple acier, sont fortes, massives et irrésistibles. Ainsi donc, en enlevant à ce drôle suspect son casque et sa cuirasse d’argent, vous le réduisez à ses armes ordinaires, et il les aura toujours pour courir à son devoir. — Fort bien ; mais je ne vois pas que ce raisonnement nous autorise à autre chose de plus qu’à dépouiller le Varangien de son armure pour la lui rendre scrupuleusement demain au matin, s’il arrive qu’on n’ait rien à lui reprocher. Cependant j’avais l’idée, je ne sais trop comment, que cette armure devait être confisquée à notre profit. — Et certainement ! telle a toujours été la règle établie parmi nous depuis le temps de l’excellent centurion Sisyphe, sous lequel il fut décidé que toute marchandise de contrebande, toute arme suspecte, etc., que l’on introduirait dans la ville pendant la nuit, seraient confisquées au profit des soldats du poste ; et en supposant que l’empereur juge que les marchandises ou les armes ont été prises injustement, j’espère qu’il est assez riche pour indemniser celui qui les a perdues. — Mais cependant… cependant, » objecta Sebastes de Mitylène, le jeune Grec nouvellement enrôlé, » si l’empereur découvrait… — Âne ! s’écria Harpax, il ne saurait le découvrir, à moins qu’il n’ait les yeux d’Argus. Nous sommes douze ici engagés par le serment exigé par les règles de notre code, à soutenir tous la même histoire. Voilà un barbare qui, s’il conserve quelque souvenir de cette affaire (ce dont je doute fort, d’après le logement dont il a fait choix pour la nuit, et qui prouve une familiarité plus qu’ordinaire avec la bouteille), ne pourra guère raconter que quelque sottise sur la perte de son armure ; sottise que nous autres, camarades, nous nierons fortement ; et j’espère, » ajouta-t-il en jetant un coup d’œil à la ronde sur ceux qui l’entouraient, « que nous avons assez de courage pour cela. Et qui croira-t-on ? les gardes de la ville, certainement. — Tout au contraire, reprit Sebastes : je suis né bien loin d’ici, et cependant, dans l’Île de Mitylène, j’ai entendu dire que les soldats de la garde de Constantinople étaient de si grands menteurs, que le serment d’un seul