Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/388

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cesse se défend elle-même contre l’accusation bien naturelle de partialité.

« Il faut que je repousse encore une fois les reproches que m’adressent certaines gens, comme si mon histoire était simplement composée d’après les inspirations de l’amour naturel pour les parents qui est gravé dans le cœur des enfants. En vérité, ce n’est pas l’effet de l’affection que je porte aux miens, mais l’évidence incontestable des faits eux-mêmes, qui m’obligeait à parler comme je l’ai fait. N’est-il pas possible qu’on ait en même temps de l’affection pour la mémoire d’un père et pour la vérité ? Quant à moi, je ne me suis jamais dirigée pour écrire l’histoire, autrement que par l’assurance de l’exactitude des faits. Dans ce dessein, j’ai pris pour sujet l’histoire d’un homme illustre ; est-il juste que, par suite du hasard qui a voulu qu’en même temps il fût l’auteur de mes jours, cette circonstance élève nécessairement contre moi une prévention qui ruinerait mon crédit auprès des lecteurs ? J’ai donné en d’autres occasions des preuves assez fortes de l’ardeur que j’ai à défendre les intérêts de mon père, et ceux qui me connaissent n’en douteront jamais ; mais, dans celle-ci, je me suis bornée à ce que prescrivait l’inviolable fidélité avec laquelle je respecte la vérité, et je me serais fait un scrupule de la violer, sous prétexte de servir la renommée de mon père. » Ibid., chap. iii, liv. xv.

Nous avons cru devoir faire cette citation pour justifier la belle historienne ; nous extrairons aussi la description qu’elle fait de la mort de l’empereur, et nous n’hésitons pas à convenir que la manière dont notre Gibbon a peint cette princesse est pleine de justice et de vérité.

« Malgré ces protestations réitérées de sacrifier plutôt à l’exacte et absolue vérité qu’à la mémoire de son père, » remarque avec raison Gibbon, « au lieu de la simplicité de style et de narration qui inspire la confiance, une affectation travaillée de rhétorique et de science trahit à chaque page la vanité d’une femme auteur. Le vrai caractère d’Alexis se perd dans une vague constellation de vertus ; et le ton perpétuel de panégyrique et d’apologie éveille notre méfiance et nous force à douter de la véracité de l’historienne et du mérite de nos héros. Nous ne pouvons cependant lui contester cette judicieuse et importante remarque, que les désordres du temps firent le malheur et la gloire d’Alexis, et que toutes les calamités qui peuvent affliger un empire inclinant vers sa ruine furent accumulées sous son règne par la justice du ciel et par les vices