Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/381

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fait Votre Seigneurie de reconquérir la Palestine en combattant sous votre illustre bannière ; je désirerais en outre qu’il me fût permis de rappeler de temps à autre à Bertha, suivante de la comtesse de Paris, l’affection qu’elle m’a jurée, dans l’espoir que notre union trouvera faveur auprès de son noble maître et de sa maîtresse. Je pourrais espérer ainsi d’être rendu à un pays que je n’ai jamais cessé d’aimer plus que toute chose au monde. — Tes services, noble soldat, dit Robert de Paris, me sont aussi agréables que ceux d’un comte par naissance ; et il ne se rencontrera point d’occasion d’acquérir de l’honneur sans que je te mette à même d’en profiter autant qu’il sera en mon pouvoir. Je ne me vanterai pas du crédit que j’ai près du roi d’Angleterre, mais si je possède quelque influence sur lui, j’en ferai usage pour t’établir dans ton pays natal. »

L’empereur prit alors la parole : « Soyez témoins, ciel et terre, « et vous mes fidèles sujets, et vous mes braves alliés, surtout vous, mes courageux et loyaux Varangiens, que nous aimerions mieux perdre le plus brillant joyau de notre couronne impériale, que de renoncer au service de ce digne et vaillant Anglo-Saxon. Mais puisqu’il le désire si vivement, nous tâcherons de lui donner de telles marques de notre munificence qu’elles feront connaître dans tout le reste de sa vie, que l’empereur Alexis contracte envers lui une dette que son empire entier n’aurait pu acquitter. Vous et vos principaux officiers, seigneur Tancrède, vous souperez ce soir avec nous, et reprendrez demain votre honorable et religieux pèlerinage. Nous espérons que les deux combattants nous honoreront aussi de leur présence… Trompettes, sonnez le signal du départ. »

Les trompettes sonnèrent donc, et les différentes classes de spectateurs, armés et non armés, se divisèrent en groupes, ou se formèrent en rangs militaires pour revenir à la ville.

Des cris de femmes, qui s’élevèrent subitement, arrêtèrent d’abord le départ de la multitude. Ceux qui osèrent regarder en arrière virent Sylvain, le grand orang-outang, s’avancer dans la lice, à la surprise et à l’étonnement de tous. Les femmes et même beaucoup d’hommes, inaccoutumés à l’air bizarre et à l’extérieur sauvage de cet animal extraordinaire, poussèrent des cris de terreur si bruyants qu’ils effrayèrent la créature qui en était la cause. Pendant le cours de la nuit, Sylvain, après avoir sauté par-dessus les murs du jardin d’Agelastès, et escaladé les remparts de la ville, n’avait trouvé aucune peine à se cacher dans la lice qu’on s’occupait alors à construire, en se blottissant dans quelque coin obscur