Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/379

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hache comme son antagoniste, et parut attendre avec incertitude comment allait se continuer le combat. « Je reconnais ma dette, dit le vaillant comte de Paris, aussi bien envers Bertha la Saxonne qu’envers le Tout-Puissant qui m’a préservé d’une effusion de sang qui m’eût rendu coupable d’ingratitude. Vous avez été témoins du combat, messeigneurs, » ajouta-t-il en se tournant vers Tancrède et ses chevaliers, « et vous pouvez certifier sur l’honneur qu’il a été bravement soutenu de part et d’autre, sans avantage pour personne. Je présume que mon honorable antagoniste a satisfait actuellement le désir qui l’a porté à m’adresser ce défi, et qui certainement ne provenait d’aucun grief personnel ou privé. Pour ma part, j’éprouve un si vif sentiment des obligations que je lui ai personnellement, que, si je continuais le combat, à moins d’y être forcé pour me défendre, je commettrais à mes propres yeux une action honteuse et coupable. »

Alexis agréa joyeusement cette proposition de paix à laquelle il était loin de s’attendre, et jeta son bâton de commandement dans la lice pour signifier que le duel était fini. Tancrède, quoiqu’un peu surpris et peut-être même scandalisé qu’un simple soldat de la garde de l’empereur eût résisté si long-temps à tous les efforts d’un si illustre chevalier, ne put s’empêcher de reconnaître que le combat s’était passé avec une justice et une égalité parfaites, et que le résultat n’en était déshonorant pour aucun des deux adversaires. Comme la réputation du comte était bien connue et bien établie parmi les croisés, ils furent obligés de croire que quelque très puissant motif l’avait porté, fort contrairement à son habitude, à cesser le combat avant que la mort ou la victoire du comte l’eût terminé d’une manière décisive. La volonté de l’empereur fit loi en cette occasion ; elle fut confirmée par la sanction des chefs présents, et surtout par les applaudissements des spectateurs assemblés.

Mais peut-être la physionomie la plus intéressante de l’assemblée était-elle celle du brave Varangien, arrivé si soudainement à un point de renommée militaire que l’extrême difficulté qu’il avait éprouvée à se défendre contre le comte Robert l’avait empêché de prévoir, quoique sa modestie n’eût pas diminué l’indomptable courage avec lequel il avait soutenu la lutte. Il se tenait debout au milieu de la lice, la figure animée par l’ardeur du combat et par un sentiment de modestie propre à la franchise et à la simplicité de son caractère qui se trouvait déconcerté sous les regards de la multitude.