Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/366

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qui répondra de toi… Ma fille, mon épouse, il faut maintenant vous retirer dans vos appartements : un temps viendra où vous pourrez avoir assez à pleurer et à vous embrasser, à sangloter et à vous réjouir. Priez le ciel que moi, qui en suis venu jusque-là que j’ai sacrifié la justice et la vraie politique à la complaisance conjugale et à la tendresse paternelle, je n’aie pas du moins raison de déplorer sérieusement tous les événements de ce singulier drame. »

Après avoir reçu son pardon, le césar voulut mettre en ordre ses idées, que bouleversait un changement si inattendu ; mais il trouva aussi difficile de se convaincre de la réalité de sa situation, qu’il l’avait été à Ursel d’en croire ses yeux, après avoir été si longtemps privé du spectacle de la nature, tant le vertige et la confusion des idées, occasionnés par des causes morales et physiques, se ressemblent par leurs effets sur l’intelligence !

Enfin il demanda en bégayant qu’il lui fût permis d’accompagner l’empereur à la lice, et de le préserver, en lui faisant un rempart de son corps, des coups que la trahison de quelque homme désespéré pourrait diriger contre Alexis, dans un jour qui trop vraisemblablement devait être un jour de danger et de sang.

« Halte-là ! dit Alexis Comnène. Ce n’est pas à l’instant où nous venons de t’accorder la vie que nous concevrons de nouveaux soupçons sur ta fidélité ; cependant il est convenable de te rappeler que tu es encore le chef nominal et ostensible de ceux qui veulent agir dans l’insurrection d’aujourd’hui, et le plus sûr sera de laisser à d’autres le soin de tout pacifier. Allez, césar, entretenez-vous avec le patriarche, et méritez votre pardon en lui confessant tous les projets de cette conspiration infâme, que nous ne connaissons pas encore… Ma femme, ma fille, adieu ! il faut que je me rende maintenant à la lice, où j’ai à parler au traître Achille Tatius et à l’infidèle, au païen Agelastès, s’il vit encore ; car, suivant un bruit qui se confirme, la Providence aurait mis un terme à ses jours. — Oh ! n’y allez pas, mon très cher père ! dit la princesse, mais laissez-moi plutôt aller encourager moi-même vos sujets fidèles à prendre votre défense. L’extrême bonté dont vous avez fait preuve à l’égard de mon coupable époux me montre combien est grande votre affection envers votre fille indigne, et combien est grand le sacrifice que vous avez fait à son amour, presque puéril, pour un ingrat qui a mis votre vie en danger. — Est-ce à dire, ma fille, dit l’empereur, que la grâce de votre mari soit une faveur qui a perdu son prix après avoir été accordée ? Suivez mon conseil, Anne, et pensez autrement :