Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/361

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fut soudainement et à minuit appelé à se défendre contre une accusation capitale de trahison. Vous m’excuserez aisément de ne pas vous rapporter les artifices au moyen desquels le fils fut présenté comme coupable aux yeux de son père. Qu’il me suffise de dire que l’infortuné jeune homme périt victime du crime de sa belle-mère, Fausta, et qu’il dédaigna de se défendre d’une accusation si fausse et si monstrueuse. On dit que la colère de Constantin contre son fils fut entretenue par des flatteurs, qui lui firent observer que le coupable dédaignait même d’implorer sa merci, ou de prouver qu’il était innocent d’un crime si atroce.

« Mais le coup mortel n’eut pas plus tôt frappé l’innocent jeune homme, que son père acquit la preuve de la précipitation avec laquelle il avait agi. Il s’occupait alors à faire construire les parties souterraines du palais Blaquernal, et sa conscience voulut qu’il plaçât dans ce lieu un monument de sa douleur paternelle et de ses remords. Au haut de l’escalier qu’on nomme le Puits de l’Achéron, il fit bâtir une vaste chambre, encore appelée la Salle du Jugement, où se font les exécutions. À l’extrémité de cette salle se trouve, dans le mur, une porte cintrée, qui communique avec ce lieu de misère où sont disposés la hache et les autres instruments pour l’exécution des grands prisonniers d’État. Sous cette porte fut placée une espèce d’autel en marbre, surmonté d’une statue de l’infortuné Crispus. Elle était d’or, et portait cette mémorable inscription : « À mon fils, que j’ai condamné témérairement, et que j’ai fait exécuter avec trop de précipitation. » Lorsqu’il éleva ce monument, Constantin fit vœu, pour lui et sa postérité, que l’empereur régnant se tiendrait à côté de la statue de Crispus toutes les fois qu’un individu de sa famille serait conduit à l’exécution, et qu’avant de le laisser passer de la salle du Jugement dans la chambre de la Mort, il devrait se convaincre personnellement ce la validité des motifs de l’accusation.

« Le temps a passé…. La mémoire de Constantin est vénérée presque comme celle d’un saint, et le respect qu’il inspire aujourd’hui laisse dans l’ombre l’anecdote de la mort de son fils. Les besoins de l’État ont rendu difficile de conserver une si grande valeur en statue, surtout parce que cette statue rappelait la triste faute d’un homme si illustre. Les prédécesseurs de Votre Majesté impériale ont employé le métal qui la formait à subvenir aux frais des guerres contre les Turcs ; et le repentir de Constantin a été oublié, uniquement conservé par une tradition obscure dans l’Église et