Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/360

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heureux gendre reçoive la mort pour sa complicité, bien qu’il ait été entraîné par cet infâme païen Agelastès et par le traître Achille Tatius ? — Telle est mon intention, répondit l’empereur ; et pour preuve que je ne veux pas, comme je l’ai fait pour Ursel, exécuter la sentence en apparence, le traître, l’ingrat va être conduit du haut de l’échelle de l’Achéron, dans la salle appelée Chambre du Jugement, où sont déjà faits les préparatifs de l’exécution ; et je jure… — Ne jurez rien ! s’écria le patriarche ; au nom du ciel dont la voix parle par ma bouche, je vous défends, tout indigne que je sois, d’éteindre le chanvre qui fume encore, de détruire la faible espérance que votre gendre peut avoir d’obtenir son pardon dans le court délai qui lui reste encore. Rappelez-vous, je vous en conjure, les remords de Constantin. — Que veut dire Votre Révérence ? demanda Irène. — Une bagatelle, répliqua l’empereur, indigne de sortir d’une bouche comme celle du patriarche, puisque c’est, suivant toutes les probabilités, un reste de paganisme. — Qu’est-ce donc ? » s’écrièrent les princesses avec chaleur, dans l’espoir d’entendre quelque chose qui pût augmenter la force de leurs arguments, et mues peut-être par la curiosité qui ne sommeille guère dans un cœur de femme, lors même qu’elles sont agitées par des passions plus violentes. — Le patriarche vous le dira, répondit Alexis, puisque vous voulez absolument le savoir, mais je vous promets que vos arguments ne puiseront aucune force nouvelle dans cette sotte légende. — Écoutez-la cependant, dit le patriarche ; car, quoique ce soit une histoire un peu ancienne, et que parfois on suppose qu’elle remonte au temps où le paganisme prédominait sur la terre, il n’en est pas moins vrai qu’il s’agit d’un vœu fait et enregistré dans la chancellerie du vrai Dieu, par un empereur de Grèce.

« Dans l’histoire que je vais vous raconter, continua-t-il, il est véritablement question, non seulement d’un empereur chrétien, mais encore de celui-là qui rendit chrétien tout l’empire ; de ce Constantin qui, le premier aussi, déclara Constantinople la métropole de la chrétienté. Ce héros, également remarquable et par son zèle pour la religion et par ses exploits guerriers, obtint du ciel d’innombrables victoires, et toute espèce de bénédictions, sauf cette union de famille que les hommes sages sont si ambitieux de posséder. Non seulement la concorde entre frères fut refusée à la famille de cet empereur triomphant, mais un fils plein de mérite et d’un âge mûr, qu’on accusait d’aspirer à partager le trône de son père,