Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

griffe du renard passer sous la laine du mouton, ou plutôt, puisque nous apercevons si bien la peau de l’ours, ne ferions-nous pas mieux de nous éloigner d’ici, de peur que l’on ne nous accuse d’avoir insulté un garde varangien ? »

Cette idée de danger, suggérée par celui qui paraissait beaucoup plus âgé et plus versé en politique que son ami, détermina l’un et l’autre à faire retraite. Ils croisèrent leur manteau, se prirent par le bras ; et tout en causant précipitamment et avec agitation de leurs soupçons, ils hâtèrent le pas vers leurs habitations situées dans un autre quartier de la ville.

Le soleil se couchait, et les murailles, les boulevards et les arcades projetaient de plus en plus loin leurs ombres allongées. Le Varangien paraissait fatigué du cercle borné dans lequel il errait depuis plus d’une heure comme un être subjugué par quelque pouvoir surnaturel, et qui ne peut quitter le lieu où il est retenu par un charme. Enfin le jeune barbare, après avoir jeté un regard d’impatience vers le soleil couchant dont les derniers feux brillaient encore derrière un riche bosquet de cyprès, parut chercher de l’œil un endroit commode sur les bancs placés dans l’ombre de l’arc triomphal de Théodose. Il posa sa hache d’armes près de lui, s’enveloppa de son manteau ; et, quoique son équipement ne fût guère plus favorable au sommeil que la place qu’il avait choisie, il fut cependant endormi en moins de trois minutes. Malgré ce sommeil irrésistible causé par la fatigue ou l’ennui, la préoccupation et la vigilance du jeune soldat étaient telles que, tout en cédant à ce besoin de repos, ses yeux entr’ouverts conservèrent presque la faculté de voir, et jamais limier ne dormit plus légèrement que notre jeune Anglo-Saxon à la Porte d’Or de Constantinople.

Le dormeur continua d’être l’objet de l’observation des passants, ainsi qu’il l’avait été auparavant. Deux hommes s’arrêtèrent tout-à-coup devant lui : l’un était d’une taille mince, d’une physionomie vive, alerte ; son nom était Lysimaque, et il était dessinateur de profession. Il portait sous son bras un rouleau de papier et une boîte contenant des crayons, des pinceaux et tous les objets nécessaires à son état. Les connaissances qu’il avait acquises sur les arts de l’antiquité étaient pour lui une occasion de parler beaucoup ; mais malheureusement ses discours étaient fort au dessus de son pouvoir d’exécution. L’autre était d’une taille magnifique ; mais ses formes, quoique superbes et offrant beaucoup de ressemblance avec celles du jeune Varangien, avaient bien moins d’élégance, et l’expression