Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/354

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cés de manière à observer l’ordre et le calme des hommes qui avaient pris terre, et maintenant rangés sous la bannière de leur noble capitaine, les Grecs changèrent totalement leur résolution : leur course devint une marche incertaine et tremblante, leurs têtes se tournèrent plus souvent du côté d’où ils venaient que vers l’ennemi ; et leur désir de provoquer une lutte s’évanouit tout-à-fait quand ils ne virent pas le moindre indice que leurs adversaires s’en inquiétassent.

Ce qui ajoutait à l’extrême confiance avec laquelle les Latins maintenaient leur position, c’étaient les renforts fréquents, quoique peu nombreux, qu’ils recevaient de leurs camarades qui débarquaient par détachements le long de la baie ; au bout d’une heure, leur nombre s’était élevé, tant à pied qu’à cheval, à celui qui existait en partant de Scutari, sauf quelques hommes qui avaient péri.

Une autre raison qui empêcha d’attaquer les Latins, fut le peu de disposition des deux principaux partis qui se trouvaient là en armes, à entrer en querelle avec eux. Les soldats de toute espèce, qui étaient fidèles à l’empereur, et surtout les Varangiens, avaient ordre de rester fermes à leur poste, quelques uns dans la lice, et d’autres en différents lieux de réunion dans Constantinople même, où leur présence était nécessaire pour prévenir les effets de l’insurrection connue d’Alexis. Ils ne firent donc aucune démonstration hostile contre la troupe des Latins, et l’intention de l’empereur n’était nullement qu’ils en fissent.

D’un autre côté, la plus grande partie des gardes immortelles et des citoyens qui étaient disposés à jouer un rôle dans la conspiration, avaient été tous persuadés par les agents de feu Agelastès, que les Latins, commandés par Tancrède, parent de Bohémond, étaient envoyés par celui-ci à leur secours. Les conspirateurs restèrent donc tranquilles et ne firent aucune tentative pour guider ou diriger les efforts des gens du peuple, disposés à assaillir ces visiteurs inattendus. Le projet d’attaque ne fut donc partagé que par peu d’individus, et la plupart ne désiraient rien tant que trouver une excuse pour se tenir en repos.

Cependant l’empereur, de son palais de Blaquernal, observait ce qui se passait sur le détroit, et voyait sa flotte de Lemnos échouer dans la tentative d’empêcher, au moyen du feu grégeois, le débarquement de Tancrède et de ses hommes. Il n’eut pas plus tôt vu le principal vaisseau de cette escadre dissiper les ténèbres par l’incen-