Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mention de cette garde célèbre qui accompagnait toujours les empereurs grecs[1].

Après cette explication nécessaire sur l’individu arrêté devant la Porte d’Or, nous reprendrons le récit de notre histoire.

Il n’était point étonnant que l’on regardât avec une certaine curiosité ce soldat de la garde impériale. On doit supposer que, d’après les devoirs particuliers que ce corps avait à remplir, ses relations avec les habitants de la ville étaient assez rares ; et d’ailleurs la police que ces étrangers exerçaient parfois parmi les citoyens les faisait généralement plus redouter qu’aimer ; d’ailleurs ils savaient que la générosité avec laquelle ils étaient soldés, la magnificence de leur tenue, leur privilège de n’appartenir qu’à la personne du souverain, étaient autant de sujets d’envie pour les autres militaires. En conséquence ils s’écartaient rarement du quartier qui leur était assigné, à moins que leur devoir ou quelque ordre particulier de l’empereur ne les y obligeât.

Il était donc assez naturel qu’un peuple aussi curieux que le peuple grec s’empressât autour de l’étranger qui errait çà et là, comme s’il cherchait son chemin, ou comme s’il attendait une personne à laquelle il avait donné rendez-vous.

« C’est un Varangien chargé d’exécuter quelque mission, » dit un de ceux qui l’observaient en parlant à une autre personne ; et se penchant vers son oreille, il acheva sa phrase à voix basse.

« Quelle mission pensez-vous qu’il ait, demanda l’autre. — Dieux et déesses, pensez-vous que je puisse le dire ? Mais je suppose qu’il est là pour écouter ce que l’on dit de l’empereur. — Cela n’est pas vraisemblable ; ces Varangiens ne parlent pas notre langue et sont peu propres à servir d’espions, puisqu’ils entendent fort mal le grec. Il n’est pas probable que l’empereur veuille employer comme espion un homme qui ne comprend pas bien la langue du pays. — Mais s’il y a parmi ces barbares, ainsi que beaucoup de gens le pensent, des soldats qui parlent presque toutes les langues, reprit le politique, vous admettrez que ceux-là du moins ont toutes les qualités propres à faire d’excellents espions, et qu’ils peuvent voir et entendre sans que qui que ce soit songe à se méfier d’eux. — Cela se peut ; mais puisque nous voyons si clairement la patte et la

  1. Ducange, relativement à ce sujet curieux, a répandu des flots d’érudition que l’on retrouvera dans les notes sur l’ouvrage de Villehardouin intitulé : Constantinople sous les empereurs français. Paris, 1637, in-folio, pag. 190. Voir aussi l’Histoire de Gibbon, vol. X, p. 251. w. s.