Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/349

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donc faire l’amiral de l’empereur ? — Courez ! courez ! ami Lascaris, ou vous en verrez plus que peut-être vous n’êtes curieux d’en voir. »

En conséquence, pour joindre la force de l’exemple au précepte, Démétrius se ceignit les reins, et se retira avec la plus édifiante vitesse de l’autre côté du cap, suivi par la plus grande partie de la foule, qui s’était arrêtée pour être témoin du combat que le nouvelliste promettait, et qui était décidée à le croire sur parole quant au danger. Ce qui avait alarmé Démétrius était la décharge d’une grande quantité de feu grégeois, que peut-être on ne peut mieux comparer qu’à une de ces immenses fusées à la Congrève d’aujourd’hui, qui prend sur ses épaules un petit grappin ou une ancre, et traverse les airs en sifflant, comme un démon pliant sous le faix des ordres de quelque magicien inexorable. Les effets du feu grégeois étaient si terribles que les navires attaqués de cette étrange manière renonçaient à toute tentative de défense, et ne cherchaient qu’à échouer sur le rivage. On supposait qu’un des principaux ingrédients de ce feu terrible était le naphte, bitume qu’on recueille sur les bords de la mer Noire, et qui, une fois mis en état d’ignition, ne pouvait s’éteindre que par un mélange fort singulier qu’il n’était pas probable qu’on aurait sous la main. Il produisait une épaisse fumée et une bruyante explosion. « Il était capable, dit Gibbon, de communiquer ses flammes avec une égale véhémence, soit en descendant, soit latéralement. Dans les sièges, on le versait du haut des remparts, ou on le lançait, comme nos bombes, dans des boules de pierre ou de fer rouge, ou bien dans du chanvre dont on entourait les flèches et les javelines. On regardait comme un secret d’état de la plus haute importance la manière de le composer ; et, pendant quatre siècles environ, les Musulmans ne la connurent pas. Mais enfin la composition en fut découverte par les Sarrasins, qui l’employèrent pour repousser les croisés et vaincre les Grecs, pour qui il avait été long-temps le plus formidable instrument de défense. Il faut accorder quelque exagération à une époque barbare, mais nul doute que la description du croisé Joinville ne doive être admise en général comme exacte : « Ce feu, dit le bon chevalier, fendait l’air comme un dragon ailé de la grosseur d’un muid environ, avec le bruit de la foudre et la rapidité de l’éclair, et l’obscurité de la nuit était dissipée par cette horrible illumination. »

Non seulement l’intrépide Démétrius et son ami Lascaris, mais encore toute la multitude prirent la fuite à toutes jambes lorsque