Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

che et sans courage : ils achetèrent la valeur de quelques centaines de Barbares au poids de l’or, et s’assurèrent par ce moyen un corps de satellites plus distingué par sa bravoure que ne l’avait jamais été la fameuse garde prétorienne ; peut-être leur infériorité en nombre fut-elle une des causes de la supériorité de leur fidélité envers leurs nouveaux princes.

Mais plus tard il devint difficile aux empereurs d’obtenir les hommes nécessaires pour organiser leur corps d’élite, les nations du Nord ayant conservé le goût de ces excursions et de ces habitudes de piraterie qui avaient poussé leurs ancêtres des détroits d’Eltinore vers ceux de Sestos et d’Abydos. Le corps des Varangiens aurait donc fini par se dissoudre ou au moins par être assez mal composé, si les conquêtes des Normands, dans l’Occident, n’eussent envoyé au secours des Commène un nombre considérable de Bretons et d’Anglais qui renouvelèrent la garde d’élite des empereurs. C’était en effet des Anglo-Saxons ; mais les connaissances fort imparfaites que la cour de Constantinople avait sur la géographie les faisaient appeler Anglo-Danois, attendu que les Grecs confondaient ce pays avec la Thulé des anciens, nom qui désigne les îles des Shetland et des Orcades, quoique, selon les notions géographiques des Grecs, ils entendissent par là le Danemark et la Grande-Bretagne. Ces émigrés cependant parlaient un langage qui ne différait pas beaucoup de celui des Varangiens primitifs, et ils adoptèrent ce nom d’autant plus aisément qu’il semblait rappeler à leur souvenir leur malheureux destin, ce mot renfermant la signification d’exilé. À l’exception d’un ou deux chefs que l’empereur jugea dignes de la plus haute confiance, les Varangiens n’étaient commandés que par des hommes de leur propre nation. Jouissant de beaucoup de privilèges, ils voyaient de temps à autre leur nombre s’augmenter de quelques habitants du Nord qui venaient se joindre à eux ; car les croisades, les pèlerinages et le mécontentement chassaient continuellement vers l’Orient des Anglo-Saxons ou des Anglo-Danois. Par ce moyen, les Varangiens subsistèrent jusqu’à la fin de l’empire grec, conservant leur langue naturelle ainsi que cette loyauté sans tache et ce courage indomptable qui avaient caractérisé leurs ancêtres.

Ces détails sur la garde varangienne sont historiques ; on peut les vérifier en parcourant les historiens byzantins : la plupart de ces auteurs, de même que Villehardouin dans son récit sur la prise de Constantinople par les Francs et les Vénitiens, font plusieurs fois