Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/337

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vertes de plantes, de fleurs et de fontaines, elles présentaient, vues de haut, un aspect plus gracieux et plus intéressant que celui des toits inclinés et uniformes des habitations de nos capitales du nord de l’Europe.

Il nous a fallu quelque temps pour exprimer l’idée qu’un seul coup d’œil fit naître dans l’esprit d’Ursel, et qui l’affecta d’abord d’un sentiment pénible. Ses yeux avaient été long-temps étrangers à cet exercice quotidien qui nous habitue à corriger les scènes que la vue nous présente, avec les connaissances que nous tirons de nos autres sens. Ses idées sur la distance étaient si confuses, qu’il lui semblait que les clochers, les tours et les minarets étaient entassés près de lui, et touchaient presque ses prunelles. Poussant un cri d’horreur, Ursel se tourna d’un autre côté et jeta les yeux sur une scène différente. Il vit encore des tours, des flèches de clochers et des tourelles, mais c’était l’image des églises et des édifices publics réfléchie dans l’éblouissante nappe d’eau qui formait le port de Constantinople, et qui, à cause des immenses richesses qu’elle amenait dans la ville, avait été heureusement nommée la Corne d’Or. D’un côté, ce superbe bassin était bordé de quais où d’immenses vaisseaux venaient décharger leurs riches marchandises, tandis que, sur les bords du havre, des galères, des felouques et d’autres petits bâtiments déployaient nonchalamment les toiles blanches, et de forme bizarre, qui leur servaient de voiles. En d’autres places, la Corne d’Or était ombragée par un vert manteau d’arbres ; et dans ces endroits, les jardins particuliers des riches ou des grands, ainsi que les lieux du divertissement public, s’avançaient jusqu’à l’eau transparente qui leur servait de limites.

Sur le Bosphore, qu’on pouvait apercevoir dans l’éloignement, la petite flotte de Tancrède était à l’ancre au même endroit où elle était parvenue pendant la nuit, endroit qui commandait le lieu du débarquement sur la rive opposée : leur général avait préféré s’y arrêter plutôt que d’aborder en pleine nuit à Constantinople, ne sachant pas si, en arrivant de la sorte, ils seraient reçus en amis ou en ennemis. Les Grecs, soit par ordre d’Alexis, soit de par l’autorité non moins puissante de quelques conspirateurs, avaient profité de ce délai pour faire avancer six vaisseaux de guerre, pleins d’hommes armés et pourvus de toutes les armes offensives maritimes propres aux Grecs de cette époque, et placés de manière à couvrir l’endroit où les troupes de Tancrède devaient débarquer.

Ces préparatifs causèrent quelque surprise au vaillant Tancrède,