Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/331

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les facultés de son esprit et la vigueur de son corps. — Je retiendrai mon impatience, ou plutôt, Douban, je me laisserai guider par toi. Crois-tu qu’il soit éveillé ? — Je suis disposé à le croire, mais il n’ouvre pas les yeux, et semble vouloir résister absolument à l’impulsion naturelle qui devrait le porter à se lever et à regarder autour de lui. — Parle-lui, et tâchons de découvrir ce qui se passe dans son esprit. — C’est courir quelque risque, mais vous serez obéi… Ursel !… dit-il, en approchant du lit de l’aveugle malade, puis d’une voix plus haute il répéta : « Ursel ! Ursel ! — Paix ! silence ! murmura le malade, ne troublez pas les bienheureux dans leur extase… et n’allez pas forcer le plus misérable des mortels à finir la coupe d’amertume que son destin a été de commencer. — Encore, encore, » dit à voix basse l’empereur à Douban, « éprouve-ie encore ; il m’est fort important de savoir à quel degré il possède la raison, ou jusqu’à quel point elle l’a abandonné. — Je ne voudrais pourtant pas, répondit le médecin, être assez téméraire, assez coupable pour produire en lui, en insistant hors de propos, une aliénation totale d’esprit, et le replonger ou dans une démence absolue ou dans une stupeur qu’il ne pourrait endurer long-temps. — Sûrement non ; mes ordres sont ceux d’un chrétien à un autre, et je ne désire pas qu’ils soient exécutés au delà de ce que permettent les lois de Dieu et des hommes. »

L’empereur se tut un moment après cette déclaration ; mais il ne s’écoula que peu de minutes avant qu’il pressât de nouveau le médecin de continuer l’interrogatoire de son malade. « Si vous ne me croyez pas capable, » dit Douban un peu vain de la confiance qu’on lui accordait nécessairement, « de juger du traitement qui convient à mon malade, Votre Majesté impériale peut prendre sur elle les risques et la peine. — Vraiment, je vais le faire, répliqua l’empereur, car il ne faut pas écouter les scrupules des médecins, lorsque dans l’autre plateau de la balance sont le destin des empires et la vie des monarques…. Lève-toi, noble Ursel ! entends une voix que tes oreilles ont jadis bien connue, et qui te rappelle à la gloire et à la puissance ! Regarde autour de toi, et vois comme le monde te sourit, comme il t’accueille lorsque tu passes d’une prison à l’empire ! — Astucieux démon, répondit Ursel, qui emploies l’appât le plus perfide pour augmenter la misère d’un infortuné ! sache, tentateur, que je connais toute la vanité des images séductrices de la nuit dernière… ton bain… ton lit… et ton séjour