Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parmi les muets, beaucoup plus habitués à exécuter les ordres dictés par la colère de l’empereur que les recommandations de sa bienveillance, Douban choisit un homme d’un naturel plus doux, et par ordre d’Alexis il lui fit comprendre que la tâche dont il allait être chargé devait être tenue très rigoureusement secrète. L’esclave endurci fut fort étonné en apprenant que les soins qu’il rendait au malade devaient être enveloppés d’un mystère encore plus profond que les sanglantes exécutions de la mort et de la torture.

Le malade recevait passivement les nombreuses attentions dont on l’entourait en silence ; et s’il ne les recevait pas absolument sans connaissance, c’était du moins sans une idée distincte de leur but. Après l’opération calmante du bain, et le changement voluptueux d’un tas de paille dure et humide sur lequel il avait été couché pendant des années contre un lit du duvet le plus doux, on administra à Ursel une potion calmante, où il entrait quelques gouttes d’opium. Le bienfaisant réparateur des forces mortelles revint, ainsi invoqué, et le captif tomba dans un délicieux sommeil qui depuis long-temps lui était inconnu. Le repos sembla s’emparer également des facultés mentales du malade et de son corps ; ses traits perdirent leur roideur, et ses membres, cessant d’être tourmentés par des accès de crampe, des tiraillements soudains et des élans douloureux, s’étendirent dans un état de tranquillité parfaite.

L’aurore colorait déjà l’horizon, et la fraîcheur de la brise du matin pénétrait dans les salles magnifiques du palais de Blaquernal, lorsqu’un coup frappé doucement à la porte de la chambre réveilla Douban, qui, voyant son malade jouir d’un profond repos, s’était lui-même permis quelques instants de sommeil. La porte s’ouvrit, et un homme parut, portant le costume d’un officier du palais, et cachant, sous une longue barbe blanche postiche, les traits de l’empereur. « Douban, dit Alexis, comment va ton malade, dont la santé est en ce jour d’une si grande importance pour l’empire grec ? — Bien, sire, répondit le médecin, extrêmement bien ; et si on ne le trouble pas en ce moment, je réponds, sur tout ce que je puis posséder de science, que la nature, aidée par la médecine, triomphera de l’humidité et de l’air impur d’un cachot malsain. Soyez prudent, sire, et qu’une excessive précipitation n’engage pas cet Ursel dans la crise avant qu’il ait pu mettre en ordre ses idées bouleversées, et qu’il ait recouvré jusqu’à un certain point