Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/313

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n’existent plus, et jamais femme n’a oublié un tel lien, lors même qu’il avait été rompu par le destin. Permettez-moi seulement d’espérer que ce malheureux coupable trouvera l’occasion de réparer ses erreurs ; et, croyez-moi, ce ne sera point ma faute s’il recommence les manœuvres dénaturées qui mettent en ce moment sa vie en danger. — Suivez-moi donc, ma fille, et sachez que c’est à vous seule que je vais confier un secret dont dépend la sûreté de ma vie et de ma couronne, et dont peut dépendre aussi le pardon qui soustraira mon gendre à la mort. »

Il prit alors en toute hâte le costume d’un esclave du sérail, et ordonna à sa fille de serrer sa robe autour d’elle, et de prendre en main une lampe allumée,

« Où allons-nous donc, mon père ? demanda Anne Comnène. — Qu’importe, puisque mon destin m’appelle et que le vôtre vous commande d’éclairer mes pas. Croyez, et mentionnez dans votre histoire, si vous l’osez, qu’Alexis Comnène ne descend pas sans crainte dans ces terribles cachots construits par ses prédécesseurs pour renfermer des coupables, même quand ses intentions sont innocentes et dégagées de haine. Gardez le silence, et si nous rencontrions quelque habitant de ces régions souterraines, ne prononcez pas un mot, ne faites aucune observation sur sa présence. »

Traversant les nombreux appartements du palais, ils arrivèrent dans ce vaste vestibule par où avait passé Hereward le soir de sa première introduction dans la salle où Anne faisait ses lectures. Il était, comme nous l’avons dit, construit en marbre noir et faiblement éclairé. À l’extrémité de la pièce était un petit autel où brûlait quelque encens, et au dessus de la fumée qu’il produisait, étaient suspendues, comme sortant du mur, deux imitations de mains et de bras d’homme qu’on ne voyait qu’indistinctement.

À l’autre bout de ce vestibule, une petite porte en fer ouvrait sur un escalier étroit et tournant, qui ressemblait à un puits pour la forme et le diamètre, et dont les marches étaient extrêmement roides. L’empereur, après un geste solennel pour commander à sa fille de le suivre, se mit à descendre à l’aide de la faible lumière les degrés difficiles sur lesquels ceux qui visitaient les cachots du palais de Blaquernal disaient adieu à la lueur du jour. En descendant, ils passèrent devant un nombre infini de portes qui conduisaient probablement à divers étages de cachots, d’où partait ce bruit étouffé de soupirs et de sanglots qui attira l’attention d’Hereward dans une première occasion. L’empereur ne remarquait nul-