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vie et l’autorité de l’empereur étaient tramées à loisir par ceux qui l’approchaient de plus près ; et, quoiqu’il en fût souvent instruit, ce n’était qu’au moment de l’explosion qu’il osait agir en conséquence et punir les conspirateurs.

Tous les détails de la trahison du césar et de ses associés Agelastès et Achille Tatius furent écoutés par le patriarche avec un vif étonnement ; et ce qui le surprit le plus, ce fut l’adresse avec laquelle l’empereur, connaissant l’existence d’une conspiration si dangereuse, avait su éviter le péril dont le menaçait en même temps l’arrivée inattendue des croisés.

« Sous ce rapport, » dit l’empereur, à qui l’ecclésiastique n’avait pas caché sa surprise, « j’ai été bien malheureux. Si j’eusse été sûr des troupes de mon empire, j’aurais pu choisir entre deux partis, tous deux francs et honorables, à l’égard de ces impétueux guerriers de l’Occident : j’aurais pu, mon révérend père, consacrer les sommes payées à Bohémond et à d’autres avides croisés à soutenir avec loyauté l’armée des chrétiens de l’Occident, et à les transporter sûrement en Palestine, sans les exposer aux grandes pertes que leur causera probablement l’opposition des infidèles. Leurs succès auraient été réellement mon ouvrage, et un royaume latin en Palestine, défendu par ces guerriers de fer, aurait formé pour l’empire une barrière sûre et inexpugnable contre les Sarrasins ; ou bien, si on l’eût jugé plus convenable pour le salut de l’empire et de la sainte Église dont vous êtes le chef, nous aurions pu tout d’abord et par force ouverte défendre les frontières de nos états contre une armée commandée par tant de chefs différents et mal d’accord, qui s’avançait vers nous avec des intentions équivoques. Si le premier essaim de ces sauterelles, sous la conduite de celui qu’ils appelaient Gauthier-sans-le-Sou, fut d’abord affaibli par les Hongrois et ensuite complètement détruit par les Turcs, comme la pyramide d’ossements élevée sur les frontières du pays en perpétue le souvenir, assurément les forces réunies de l’empire grec n’auraient pas eu grand’peine à disperser également cette seconde volée, quoique commandée par ces Godefroy, ces Bohémond et ces Tancrède. »

Le patriarche se taisait ; car, quoiqu’il n’aimât point, ou plutôt qu’il détestât les croisés comme membres de l’église latine, il lui était impossible de ne pas douter qu’ils eussent été vaincus par les troupes grecques.

« En tout cas, » dit Alexis, comprenant fort bien ce silence,