Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/287

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repos. Dès qu’ils aperçurent Bertha et ses deux compagnons, ils s’approchèrent avec des cris qui annonçaient qu’ils étaient Italiens.

« À l’erta ! a l’erta ! roba di guadagna, cameradi[1] ! »

Ils se réunirent autour de la jeune Anglo-Saxonne et de ses compagnons, d’une manière qui fit trembler Bertha. « Que venez-vous faire au camp ? » demandèrent-ils tous à la fois.

« Je voudrais parler au général en chef, cavaliers, répondit Bertha ; car j’ai un message secret pour son oreille. — Pour l’oreille de qui ? » demanda le commandant de la troupe, beau jeune homme d’environ dix-huit ans, qui semblait avoir la tête moins folle que ses camarades, ou avoir un peu moins bu que les autres. « Quel est celui de nos chefs que vous désirez voir ? — Godefroy de Bouillon. — Vraiment ! répliqua le même page. Rien de moindre ne peut-il vous contenter ? Jetez un coup d’œil parmi nous : nous sommes tous jeunes et raisonnablement riches. Monseigneur de Bouillon est vieux, et, s’il a quelques sequins, il n’est pas probable qu’il veuille les dépenser ainsi. — N’importe ; j’ai à montrer à Godefroy de Bouillon une preuve de ma mission vers lui, répondit Bertha, et une preuve irrécusable ; il saura peu de gré à celui qui m’empêchera d’arriver librement jusqu’à lui. » Et montrant un petit écrin dans lequel était enfermé l’anneau du comte de Paris : « Je vous le remettrai entre les mains, ajouta-t-elle, si vous me promettez de ne pas l’ouvrir et de me procurer un libre accès près du noble chef des croisés. — Soit, dit le jeune homme ; et si tel est le bon plaisir du duc, vous serez admise en sa présence. — Ernest l’Apulien, ton friand esprit d’Italien est pris au trébuchet, lui cria un de ses compagnons. — Tu es un fou ultramontain, Polydore, répliqua Ernest. Il peut y avoir au fond de cette affaire plus d’importance que ton esprit et le mien ne sauraient en voir. Cette jeune fille et un de ses compagnons portent un costume qui appartient à la garde varangienne. Ils peuvent être chargés d’un message de l’empereur, et il n’est pas inconciliable avec la politique d’Alexis d’envoyer de pareils messagers. Conduisons-les donc en tout honneur à la tente du général. — De tout mon cœur, dit Polydore. Une fillette aux yeux bleus est une jolie chose, mais je n’aime pas la sauce de notre grand prévôt, ni la manière dont il habille ceux qui se laissent aller à la tentation[2]. Cependant avant

  1. Alerte ! Alerte ! Voici du butin, camarades.
  2. Les croisés reconnus coupables de certaines fautes, étaient pour pénitence enduits de poix et de plumes, quoique ce châtiment passe pour une invention moderne. w. s.