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sous le règne d’Alexis, inspiré pour les croisades un enthousiasme poussé jusqu’à la fureur.

Si Alexis Comnène, pendant tout le temps qu’il occupa le trône d’Orient, fut induit à employer une politique cauteleuse et rampante ; s’il montra quelquefois de la répugnance à combattre lorsqu’il doutait intérieurement de la valeur de ses troupes ; si en général il fit servir la ruse et la dissimulation à la place de la sagesse et de la bonne foi, la perfidie à la place du courage, ces moyens dont il fit usage furent à la honte de son siècle plus encore qu’à la sienne propre.

On peut reprocher encore à l’empereur Alexis d’avoir affecté un excès d’ostentation et de vanité qui tenait de très près à la faiblesse et à la sottise. Il mettait un orgueil extrême à se revêtir et à revêtir les autres de toutes les vaines décorations de la noblesse, même alors que ces privilèges accordés par le souverain étaient une raison de plus pour le barbare libre de mépriser l’homme qui en était décoré. Cependant, si la cour grecque fut encombrée de cérémonies insignifiantes, établies dans l’intention de suppléer à l’absence de la vénération et du respect que le vrai mérite et le pouvoir réel auraient dû y appeler, ce fut bien moins la faute personnelle de ce prince que celle du système de gouvernement adopté à Constantinople depuis des siècles. En vérité, l’empire grec, par ses vaines règles d’étiquette, ses formules ridicules pour les choses les plus ordinaires, ne ressemblait à aucune des puissances existant alors, excepté celle de Pékin, qui offre quelques rapports avec elle pour ses folles minuties. L’une et l’autre, influencées sans doute par le même sentiment de vanité et d’ostentation, voulaient prêter un caractère de gravité et d’importance à des choses qui, par leur nature, n’en méritent nullement.

Néanmoins il faut rendre à Alexis la justice de dire que quelque médiocres, quelque pauvres que fussent les expédients auxquels il recourut, ils furent plus utiles à son empire que ne l’auraient peut-être été, dans les mêmes circonstances, les mesures prises par un souverain d’un caractère plus noble, d’un esprit plus supérieur et plus fier. Alexis n’était pas un champion digne de rompre une lance avec son rival franc, le fameux Bohémond d’Antioche ; mais on le vit, dans plusieurs autres occasions, hasarder volontairement sa vie ; et l’on peut lire dans l’histoire que l’empereur de la Grèce n’était jamais si dangereux sous le bouclier que lorsque quelque ennemi tentait de l’arrêter dans une déroute.