Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/269

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mon digne hôte, sans même le prier de s’asseoir à sa propre table, et de prendre part à sa bonne chère. — Je ne ferai point de cérémonies, » répliqua Hereward ; et, plongeant sa main dans le pâté, il en retira un mélange de viandes et d’ingrédients, qu’il se mit à dévorer avec autant de vitesse que de dextérité. Le comte s’éloigna de la table un peu dégoûté des façons grossières d’Hereward ; néanmoins, celui-ci ayant appelé Eric pour lui aider à démolir le pâté, montra que, de fait, il s’était d’abord imposé, à sa manière, quelque contrainte par respect pour son hôte ; grâce à l’assistance du domestique, le plat fut bientôt entièrement débarrassé. Le comte Robert recueillit enfin assez de courage pour faire une question qui était sur ses lèvres depuis qu’Hereward était de retour.

« Tes informations, mon brave ami, t’ont-elles appris quelque chose de plus relativement à ma malheureuse femme, ma fidèle Brenhilda ? — J’apporte des nouvelles, mais vous seront-elles agréables ? C’est à vous-même d’en juger. Voici ce que j’ai appris : la comtesse s’est engagée, comme vous le savez, à combattre le césar en champ clos, mais à des conditions que vous pourrez trouver étranges ; cependant elle les a acceptées sans manifester aucun scrupule. — Fais-les-moi donc connaître : elles paraîtront sans doute moins étranges à mes yeux qu’aux tiens. »

Mais tandis qu’il affectait de parler avec le plus grand calme, l’œil enflammé et la joue écarlate de l’époux trahissaient le changement qui s’était opéré dans son esprit. « La dame et le césar, reprit Hereward, comme vous l’avez vous-même entendu en partie, doivent se battre en combat singulier ; si la comtesse est victorieuse, elle reste la femme du noble comte de Paris ; si elle est vaincue, elle devient la maîtresse de césar Nicéphore Brienne. — Les saints et les anges fassent qu’il en soit autrement ! S’ils permettaient qu’une telle trahison triomphât, il nous serait pardonnable de douter de leur puissance. — Néanmoins, il me semble que ce ne serait pas une précaution déshonorante, si vous et moi, avec d’autres amis, en supposant que nous puissions en trouver, nous apparaissions dans la lice le matin du combat. La victoire et la défaite dépendent du destin ; mais ce que nous ne pouvons manquer de voir, c’est si la comtesse est ou n’est pas traitée avec cette impartialité due à tout honorable combattant et à laquelle, comme vous l’avez vu vous-même, on peut quelquefois bassement déroger dans cet empire grec. — À cette condition, et en protestant que