Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/266

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Hereward ? pourquoi ne pas m’aider à délivrer ma maîtresse ? — Ta maîtresse ? Fi ! comment peux-tu donner ce nom à une femme mortelle ? — Mais elle est ma maîtresse, et je lui suis attachée par mille liens d’affection qui ne pourront être rompus tant que la reconnaissance récompensera la bonté. — Et quel péril court-elle ? de quoi a-t-elle besoin, cette dame accomplie que tu appelles ta maîtresse ? — Son honneur et sa vie sont également en danger ; elle a consenti à se mesurer en combat singulier avec le césar, et il n’hésitera point, le vil mécréant qu’il est, à profiter de tous les avantages possibles dans cette rencontre, qui, je le dis à regret, doit être infailliblement fatale à ma maîtresse. — Eh ! pourquoi dis-tu cela ? cette dame a remporté de nombreuses victoires, s’il en faut croire la renommée, sur des adversaires plus formidables que le césar. — C’est la vérité ; mais tu parles de choses qui se sont passées dans un pays bien différent, où la bonne foi et l’honneur ne sont pas de vains mots, comme, hélas ! ils ne semblent que trop l’être ici. Crois-moi, ce n’est pas une puérile frayeur qui me fait sortir déguisée sous le costume de mon pays natal, qui, dit-on, est respecté à Constantinople. Je vais avertir les chefs de la croisade du péril que court cette noble dame, et faire appel à leur humanité, à leur religion, à leur amour de l’honneur et à leur crainte de la honte, pour qu’ils la secourent en ce pressant besoin ; et maintenant que j’ai eu le bonheur de te rencontrer, tout le reste ira bien… tout ira bien… et je vais retourner auprès de ma maîtresse lui annoncer qui j’ai vu. — Attends encore un moment, trésor qui m’es rendu, s’écria Hereward ; et permets que je considère attentivement cette affaire. La dame française ne fait pas plus de cas des Saxons que de la poussière que tu secoues des plis de ton vêtement ; elle traite… elle regarde… les Saxons comme des païens et des hérétiques. Elle a osé t’imposer des travaux serviles, à toi, née dans la liberté. L’épée de son père s’est plongée jusqu’à la garde dans le sang des Anglo-Saxons… peut-être dans celui de Waltheolf et d’Engelred ! En outre, c’est une folle présomptueuse qui ose usurper les trophées de la réputation militaire qui n’appartiennent qu’à nous. Enfin, il sera difficile de trouver un champion qui combatte à sa place, puisque tous les croisés sont passés en Asie, à ce qu’ils disent, où ils sont venus pour faire la guerre ; et, par ordre de l’empereur, aucun moyen ne leur sera laissé de revenir sur cette rive. — Hélas ! hélas ! combien le monde nous change ! j’ai autrefois connu le fils de Waltheolf ; il était brave, hardi, généreux,