Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensemble, et par des mariages précoces ou des liaisons moins durables, la population se serait accrue bien au delà des moyens qu’avaient les proscrits de pourvoir à leur subsistance, ou même à leur défense. Les lois des forestiers prohibaient donc sévèrement le mariage avant que les parties eussent atteint l’âge de vingt-un ans accomplis. Des alliances futures étaient, il est vrai, souvent convenues entre les jeunes gens, et même leurs parents ne s’y opposaient pas, pourvu que les amants attendissent que leur majorité vint leur permettre de se marier. Ceux qui osaient enfreindre cette règle encouraient l’épithète déshonorante de niddering, ou indigne… épithète si déshonorante que des hommes s’étaient tués plutôt que d’endurer une vie souillée d’un tel opprobre. Mais les infracteurs n’étaient qu’en petit nombre au milieu d’une race habituée à modérer et à réprimer ses passions ; enfin de là résultait que la femme, adorée pendant tant d’années comme quelque chose de sacré, était reçue avec un bonheur profond dans les bras d’un époux qui l’avait long-temps attendue ; cette femme, traitée comme quelque chose de plus noble que la simple idole du moment, sentait le prix qu’on attachait à elle, et s’efforçait par ses actions d’y faire correspondre sa vie.

Ce fut par toute la population de ces tribus, aussi bien que par leurs parents, qu’après l’aventure de la chasse au sanglier, Hereward et Bertha furent considérés comme des amants dont l’alliance était marquée par le ciel, et ils furent encouragés à se rapprocher l’un de l’autre autant que leur mutuelle inclination les y portait. Les jeunes gens de la tribu évitaient de demander la main de Bertha à la danse, et les jeunes filles n’avaient recours à aucun de leurs artifices pour retenir Hereward près d’elles, si Bertha était présente à la fête. Ils se frappèrent dans la main l’un de l’autre à travers la pierre percée qu’on appelait l’autel d’Odin (quoique les siècles postérieurs l’aient attribuée aux Druides), et ils demandèrent que, s’ils venaient à se manquer jamais de foi, leur faute fût punie par les douze glaives qui étaient tenus autour d’eux durant la cérémonie par autant de jeunes gens, et que leurs infortunes fussent telles que les douze jeunes filles qui les entouraient avec leurs cheveux flottants ne pussent les raconter en prose ni en vers.

Le flambeau de l’amour saxon brûla pendant quelques années aussi brillant que lorsqu’il avait été allumé ; mais vint un temps où les amants devaient être éprouvés par le malheur, quoiqu’ils ne l’eussent mérité ni l’un ni l’autre par un manque de foi. Des années