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CHAPITRE XX.

LA RENCONTRE.


Elle vient ! elle vient ! dans tous les charmes de la jeunesse, d’un amour sans égal, et d’une foi qu’on ne peut soupçonner !
Anonyme.


Hereward n’avait pas couru long-temps à travers les bosquets, qu’une femme se précipita dans ses bras, effrayée par Sylvain, qui la poursuivait de fort près. La vue d’Hereward avec sa hache levée, arrêta brusquement la course de l’homme des bois, et, poussant de frayeur un de ces cris sauvages qui lui étaient propres, il s’enfuit dans le plus épais de la forêt.

Débarrassé de sa présence, Hereward eut le temps de jeter un coup d’œil sur la femme qu’il avait secourue. Elle portait un costume de différentes couleurs, parmi lesquelles dominait le jaune pâle ; sa tunique, de cette couleur, lui serrait la taille comme une robe moderne. L’étrangère était grande, mais bien faite ; une mante de drap fin l’enveloppait tout entière ; et l’espèce de capuchon qui y était attaché, tombé en arrière par l’effet de la rapidité de sa fuite, laissait voir des cheveux soigneusement tressés qui formaient une parure de tête naturelle. Sous ce costume simple, ressortait un visage que la frayeur avait rendu aussi pâle que la mort, mais qui conservait, malgré cette pâleur, une beauté exquise.

Hereward, à cette apparition, fut comme frappé de la foudre. Le costume n’était ni grec, ni italien, ni franc ; il était saxon ! et se rattachait par mille tendres souvenirs à l’enfance et à la jeunesse d’Hereward. Cette circonstance était des plus extraordinaires. Il y avait bien à Constantinople des femmes saxonnes qui avaient uni leur fortune à celle des Varangiens ; et plusieurs de ces femmes préféraient porter dans cette ville leur costume national, parce que le caractère et la conduite de leurs maris leur assuraient un degré de respect qu’elles n’auraient pas obtenu, soit comme Grecques, soit comme étrangères. Mais presque toutes étaient personnellement connues d’Hereward. Ce n’était cependant pas le moment de se livrer à des rêveries ; il était lui-même en danger, et la situation de la jeune femme pouvait n’être pas sans péril. En tout cas, il était prudent de ne pas rester dans la partie publique du jardin. Il ne perdit donc pas de temps et transporta la Saxonne évanouie dans