Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/251

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voir distinctement, certains gémissements douloureux me firent penser que l’homme des bois nommé Sylvain, à qui nos soldats sont parvenus à faire assez comprendre le saxon, pour le rendre utile à la garde des prisons, avait reçu quelque grave blessure. Je descendis avec une torche ; je trouvai le lit du prisonnier réduit en cendres ; le tigre qu’on avait enchaîné dans le cachot était assommé ; enfin l’être appelé Sylvain criait de douleur et de crainte ; il n’y avait plus de prisonnier dans la prison. Il m’a été facile de reconnaître que les verroux avaient été tirés par un soldat de Mitylène, qui était de garde avec moi, lorsqu’il avait visité le cachot à l’heure ordinaire, et comme à force de recherches je l’ai enfin trouvé mort d’un coup de poignard dans la gorge, il m’a fallu penser que, tandis que j’examinais les lieux, le comte Robert, dont l’audace rend fort possible une pareille aventure, s’est échappé au moyen de l’échelle qui m’avait aidé à descendre. — Et pourquoi n’as-tu pas aussitôt crié à la trahison, appelé au secours ? — Je n’ai pas osé le faire avant d’avoir reçu les instructions de Votre Valeur. Le cri alarmant de trahison et les divers bruits qu’il ferait probablement naître en ce moment auraient pu occasionner des recherches si sévères qu’on aurait pu découvrir des choses qui eussent compromis l’Acolouthos lui-même. — Tu as raison, » dit Achille Tatius à voix basse : « et pourtant il est nécessaire que nous ne cachions pas plus long-temps la fuite de cet important prisonnier, si nous ne voulons point passer pour être ses complices. Où penses-tu que ce malheureux fugitif puisse avoir trouvé un asile ? — C’est ce que j’espérais apprendre de la sagesse de Votre Valeur, plus grande que la mienne. — Ne penses-tu pas qu’il peut avoir traversé l’Hellespont, afin de rejoindre ses propres compatriotes et ses soldats ? — C’est, en effet, fort à craindre. Si le comte écoutait l’avis de quelqu’un qui connût bien la nature du pays, ce serait bien là le conseil qu’il recevrait. — Alors le danger de son retour à la tête d’un corps de Francs n’est pas aussi immédiat que je le craignais d’abord ; car l’empereur a expressément recommandé que les barques et les galères qui ont transporté hier les croisés sur les rivages de l’Asie repassassent le détroit, et n’en ramenassent pas un seul. D’ailleurs, tous… c’est-à-dire leurs chefs… ont fait vœu, avant de traverser, de ne plus faire un seul pas en arrière, à présent qu’ils se sont réellement mis en route pour la Palestine. — Ainsi, une de ces deux propositions est incontestable : ou le comte Robert est du côté oriental du détroit, sans possibilité de revenir avec ses frères d’armes venger les