Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/247

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mour très pardonnable et qui mérite qu’on en rie plutôt que d’encourir honte ou châtiment. — Puisse le ciel refuser sa compassion, dans le besoin le plus terrible, à la nation capable de rire d’une pareille plaisanterie : oui, qu’il la lui refuse, quand l’épée sera brisée dans la main de ses guerriers, et que les femmes et les filles crieront merci, entraînées par de barbares et impitoyables ennemis ! »

Hereward regarda son compagnon dont les joues enflammées et les yeux étincelants témoignaient l’enthousiasme. — Je vois, dit-il, que vous êtes résolu. Je sais bien que votre résolution ne peut être appelée qu’un acte d’héroïque folie ; mais encore ? Il y a long-temps que la vie n’est qu’amertume pour l’exilé Varangien. Le matin le voit sortir plein de tristesse du lit où il s’est couché le soir, las de porter une arme mercenaire au service de l’étranger. Il a souvent désiré perdre la vie pour une cause honorable, et celle-ci touche à l’honneur dans ce qu’il y a de plus saint. En outre ceci s’accorde avec mon projet de sauver l’empereur, projet que facilitera grandement la chute de son gendre ingrat. Puis s’adressant au comte il continua : « Eh bien ! sire comte ; comme vous êtes le plus intéressé dans cette affaire, je consens à me conduire d’après vos raisonnements ; seulement j’espère que vous me permettrez de modifier vos résolutions par des avis d’une nature plus simple et moins fantastique. Votre évasion hors des cachots de Blaquernal sera bientôt généralement connue. Par prudence même, je dois être le premier à la faire connaître, puisque autrement le soupçon tombera sur moi… Où songez-vous à vous cacher ? car les recherches seront assurément minutieuses et sévères.

« Quant à cela, il faut que je m’en remette à ton génie inventif, je te remercie d’avance pour chaque mensonge que tu te trouveras obligé d’imaginer et de débiter pour moi ; seulement je te supplie de les rendre aussi peu nombreux que possible, car c’est une monnaie que je ne fabrique jamais moi-même. — Sire chevalier, permettez-moi de vous dire d’abord que, de tous les chevaliers qui jamais ceignirent l’épée, nul n’est plus esclave de la vérité, quand la vérité est observée à son égard, que le pauvre soldat qui vous parle ; mais lorsque, pour gagner la partie, il faut endormir la prudence des gens à force d’adresse, et leur ôter tout sentiment par des narcotiques, ceux qui ne se font point scrupule de me tromper ne peuvent s’attendre que je leur donnerai de bon or en échange de leur fausse monnaie. Pour le présent, il faut que vous restiez caché