Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/246

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parmi les croisés ; vous en déterminerez aisément un grand nombre à revenir ici et à menacer la ville d’une attaque immédiate, à moins que l’empereur ne mette en liberté votre épouse, faite prisonnière contre tous les droits de la guerre, et n’empêche par son autorité ce combat absurde et contre nature. — Voudrais-tu donc que j’excitasse les croisés à s’opposer à un combat proposé suivant toutes les règles ? Crois-tu que Godefroy de Bouillon interromprait son pèlerinage dans un aussi indigne dessein, ou que la comtesse de Paris accepterait comme un bon service un moyen de salut qui tacherait son honneur à tout jamais, en manquant à son propre défi ?… jamais ! — Alors, mon jugement est en défaut, car je vois que je ne puis fabriquer d’expédient qui ne soit d’une façon ou d’une autre follement contrecarré par vos idées extravagantes. Voici un homme qu’un infâme stratagème a jeté entre les mains de ses ennemis ; par un stratagème, la liberté, l’honneur et la vie de sa femme se trouvent également en danger, et cependant il croit nécessaire d’agir envers les empoisonneurs nocturnes qui ont machiné ces noirceurs avec autant de bonne foi que s’il avait affaire aux hommes les plus honorables. — Tu dis là une triste vérité, mais ma parole est l’emblème de ma foi ; si je l’engage à un ami sans honneur, c’est une imprudence que je commets ; mais néanmoins je ne puis me croire dégagé sans commettre une action déshonorante, et sans souiller mon écu d’une tache ineffaçable. — Ainsi vous souffrirez que l’honneur de votre femme soit exposé aux chances d’un combat inégal. — Que Dieu et les saints te pardonnent une pareille pensée ! J’assisterais à ce combat avec un cœur aussi ferme, sinon aussi léger, que je l’ai eu jamais pour voir rompre une lance. Si, par suite d’un accident ou par trahison, Brenhilda d’Aspremont est vaincue (et certes à armes égales elle ne peut être vaincue par un tel adversaire) ; si pourtant elle est vaincue, je descends dans la lice, je proclame césar ce qu’il est, un coquin !… je démontre l’ignominie de sa conduite depuis le commencement jusqu’à la fin, j’en appelle à tous les nobles cœurs qui m’entendent, et alors… que Dieu protège la bonne cause ! »

Hereward réfléchit un instant et secoua la tête… « Tout cela, dit-il, serait assez faisable, si le combat devait avoir lieu en présence de vos compatriotes, ou même, par la messe ! si les Varangiens devaient être gardiens de la lice ; mais les trahisons de tout genre sont si familières aux Grecs, que je doute fort qu’ils considérassent la conduite de leur césar autrement que comme un stratagème d’a-