Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/244

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qui ose admirer la femme ? — Vous me faites injure, belle dame, répliqua le césar, et vous oubliez que je ne puis être appelé sous aucun rapport le grand ressort de cet empire ; que mon beau-père Alexis, est l’empereur, et que la femme qui se nomme mon épouse est jalouse comme une furie de mes moindres mouvements… Comment la captivité de votre mari et la vôtre dépendraient-elles de moi ? L’affront public que le comte de Paris a fait à l’empereur était de telle nature qu’on pouvait prévoir qu’Alexis s’en vengerait par la ruse ou la force. Cette affaire ne me concernait que comme l’humble esclave de vos charmes ; et c’est par la prudence et l’habileté du sage Agelastès que j’ai pu parvenir à vous arracher du gouffre dans lequel vous auriez certainement péri. Ne pleurez pas, madame, car nous ne connaissons pas encore le destin du comte Robert. Cependant, croyez-moi, il serait sage à vous de choisir un meilleur protecteur, et de le considérer comme n’existant plus. — Un meilleur que lui ? dit Brenhilda. Je ne puis en avoir un meilleur, quand même je choisirais parmi tous les chevaliers du monde ! — Ce bras, » répliqua le césar en se redressant et en prenant une attitude martiale, « déciderait la question, si l’homme dont vous avez une si haute idée existait encore sur la surface de la terre, et en liberté. — Tu es, » dit Brenhilda en le regardant fixement et les traits animés du feu de l’indignation : « tu es… mais il est inutile de te dire quel est ton véritable nom : crois-moi, le monde en retentira un jour, et en appréciera la juste valeur. Écoute ce que je vais te dire : Robert de Paris n’est plus, où il est captif je ne sais où. Il ne peut venir dans la lice où tu sembles brûler de le voir… mais voici devant toi Brenhilda, née d’Aspremont, femme légitime du brave comte de Paris. Elle n’a jamais été vaincue en champ clos par un autre que par le vaillant comte, et puisque tu es si fâché de ne pouvoir combattre son mari, tu n’as assurément rien à objecter si elle veut le remplacer. — Comment, madame ! » s’écria le césar étonné ; « vous proposez-vous d’entrer en lice contre moi ? — Contre toi, et contre tout l’empire grec, si l’on ose soutenir que Robert de Paris est traité avec justice et légalement détenu. — Et les conditions sont-elles les mêmes que si le comte Robert lui-même descendait dans la lice ? Le vaincu doit-il être à la disposition du vainqueur, quoi qu’il arrive ? — Ceci me semble juste, et je ne refuse pas cette chance : seulement, si c’est l’autre champion qui mord la poussière, le noble comte Robert sera mis en liberté, et on le laissera partir avec tous les honneurs convenables. — J’y consens, pourvu que cela soit en ma puissance. »