Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/231

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aventures, propres à un rude guerrier, avec les qualités, en partie réelles, en partie de convention, que ceux de son rang et de son pays devaient à la chevalerie. Le premier pouvait être comparé à un diamant qui vient de sortir de la mine, et que l’outil d’un joaillier n’a pas encore touché ; l’autre était la pierre travaillée, qui, taillée à facettes et richement montée, a perdu peut-être un peu de sa substance, mais qui cependant, pour les yeux d’un connaisseur, a plus de brillant et de splendeur que lorsqu’elle était en brut, comme disent les lapidaires. Dans l’un, la valeur est plus artificielle ; dans l’autre, elle est plus naturelle et plus réelle. Le hasard avait donc formé une alliance temporaire entre deux hommes dont les caractères avaient au fond cette ressemblance intime ; ils étaient seulement séparés par une éducation différente, qui avait laissé vivre de part et d’autre des préjugés, et ces préjugés devaient assez vraisemblablement se trouver en opposition les uns avec les autres. Le Varangien noua la conversation avec le comte, sur un ton de familiarité plus voisin de la grossièreté qu’il ne s’en doutait lui-même, et beaucoup de ses paroles, quoique prononcées sans mauvaise intention, pouvaient être mal interprétées par son nouveau frère d’armes. Cependant ce qui devait blesser davantage dans la conduite d’Hereward, c’était un dédain prononcé pour les titres de ceux auxquels il parlait, se conformant en cela aux usages des Saxons, desquels il tirait son origine ; ce mépris, désagréable aux Normands, ne l’était pas moins aux Francs qui possédaient déjà et étaient si jaloux de conserver les privilèges du système féodal, les futilités du blason, et les distinctions militaires que réclamaient les chevaliers comme devant appartenir seulement à leur ordre.

Hereward était disposé, il faut en faire l’aveu, à songer trop peu à ces distinctions, tandis qu’il avait au moins une tendance suffisante à croire à la richesse de l’empire grec qu’il servait. Il croyait à la dignité inhérente de l’empereur Alexis, et il était assez porté à l’accorder aux officiers grecs qui commandaient son propre corps, et particulièrement à Achille Tatius. Hereward savait que cet homme était un lâche et le soupçonnait à demi d’être un traître. Mais l’Acolouthos était toujours le canal par lequel les grâces impériales arrivaient aux Varangiens en général, aussi bien qu’à Hereward ; et il avait toujours la politique de représenter ces faveurs comme une conséquence plus ou moins indirecte de son intercession. Il passait pour épouser vigoureusement la querelle des Varangiens dans toutes leurs disputes avec les autres corps ; il était libéral et