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de hasarder un coup qui, s’il manquait son but, devait être certainement rendu d’une manière fatale à celui qui l’aurait porté. Pendant cette pause effrayante, un éclat de lumière brilla du haut de la trappe, et en même temps le visage sauvage et alarmé de l’homme des bois parut, regardant en bas à la clarté d’une torche récemment allumée, qu’il descendait dans le cachot, aussi bas qu’il le pouvait.

« Combats bravement, camarade, dit le comte Robert de Paris, car nous ne nous battons plus en particulier, ce respectable personnage ayant jugé à propos de se constituer juge du combat. »

Quoique dans une situation fort peu sûre, le Varangien regarda en l’air, et fut si frappé de l’expression bizarre et effrayée des traits de cette étrange créature, et de la lutte entre la curiosité et la terreur qui se peignait dans ses regards, qu’il ne put s’empêcher d’éclater de rire.

« Sylvain est de ceux, dit-il, qui aimeraient mieux tenir la chandelle aux acteurs dans une danse si formidable que d’y prendre part eux-mêmes. — Y a-t-il donc une nécessité absolue à ce que toi et moi nous la dansions ? demanda le comte. — Aucune que notre bon plaisir, répondit Hereward ; car je soupçonne qu’il n’existe entre nous nulle cause légitime de querelle qui exige que nous la vidions en un tel lieu et devant un tel témoin. Tu es, si je ne me trompe, le Franc audacieux qui fut hier soir emprisonné en ce lieu avec un tigre, enchaîné à peu de distance de son lit ? — Oui, répondit le comte. — Et où est le tigre ? — Il est étendu là-bas, pour ne pas causer à l’avenir plus de terreur que le daim, dont il a pu faire sa proie de son vivant. » Il montra du doigt le corps du tigre, qu’Hereward examina à la clarté de la lanterne sourde dont nous avons déjà parlé.

« Et ainsi, ceci est l’œuvre de tes mains ? » dit l’Anglo-Saxon étonné.

— Très certainement… » répondit le comte avec indifférence.

« Et tu as tué le camarade qui montait avec moi cette étrange garde ? demanda encore le Varangien. — Mortellement blessé pour le moins. — Si votre patience me le permet, je vous serai obligé d’un moment de trêve, tandis que j’examinerai sa blessure, dit Hereward. — Assurément, répondit le comte ; puisse se dessécher le bras qui frappe en traître un antagoniste sans défense ! »

Sans exiger plus de garanties, le Varangien quitta la posture qu’il avait prise pour se tenir en garde, et se mit, à l’aide de la