Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/215

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qu’il croyait capable de soustraire un homme à ses regards. Il avançait ses grands bras et ses grandes jambes, et ses yeux perçants, attentifs à découvrir l’objet de ses recherches, examinaient soigneusement, à l’aide de la torche, tous les recoins du cachot.

En considérant le voisinage de la ménagerie d’Alexis, le lecteur, au point où nous en sommes arrivés, ne peut guère douter que l’être en question, dont la figure avait paru si problématique au comte de Paris, ne fût un individu de cette espèce gigantesque de singe… si ce n’est pas même quelque animal plus rapproché de notre nature… auquel les naturalistes ont donné le nom d’orang-outang. Cet animal diffère des autres variétés de la famille des singes en ce qu’il est comparativement plus docile et plus serviable ; quoique possédant la faculté d’imitation commune à toute la race, cependant il en fait usage moins pour contrefaire simplement les actions de l’homme, que par un désir de perfectionnement et d’instruction tout-à-fait inconnu aux autres branches de la même famille. L’aptitude à s’instruire dont il est doué est étonnante, et probablement, s’il était placé dans des circonstances favorables, on pourrait l’appliquer à un très grand nombre d’usages domestiques ; mais l’ardeur des recherches scientifiques n’a jamais procuré de tels avantages à cet animal. Le dernier dont nous ayons entendu parler, fut rencontré dans l’île de Sumatra… il était d’une grosseur et d’une force considérables, et avait plus de sept pieds. Il mourut, défendant en désespéré son innocente vie contre un détaché d’Européens, qui, nous ne pouvons nous empêcher d’en faire la réflexion, eussent pu mieux employer la supériorité que leur donnaient leurs connaissances sur le pauvre habitant de la forêt. Ce fut probablement cet être rarement aperçu, mais que l’on n’oublie jamais lorsqu’on l’a vu une fois, qui donna naissance aux fables du dieu Pan, accompagné de ses sylvains et de ses satyres ; et même si ce n’était le don de la parole, que nous ne pouvons supposer qu’aucun individu de la famille ait possédé, nous serions porté à croire que le satyre aperçu dans le désert par saint Antoine appartenait à cette race.

Nous pouvons, en conséquence, en croire les annales qui attestent que la collection d’histoire naturelle appartenant à Alexis Comnène contenait un animal de cette espèce, qui avait été rendu domestique et apprivoisé à un point étonnant, et qui montrait un degré d’intelligence que l’on ne rencontrera peut-être jamais chez