Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/214

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trouver la porte du cachot du vieillard, et bientôt l’ayant trouvée il l’ouvrit avec une des clefs du trousseau. Dans le passage, Sylvain parut chercher une pompe, où il remplit une cruche. Il revint avec les restes de l’ancien pain et de la cruche d’eau, mangea un morceau, comme par jeu, et faisant presque aussitôt une épouvantable grimace, rejeta les fragments du pain. Le comte de Paris observait avec anxiété tous les mouvements de cet animal inconnu. Sa première pensée fut qu’un être, dont les membres surpassaient tellement en grandeur ceux de l’homme, dont les grimaces étaient si épouvantables, et dont l’agilité paraissait merveilleuse, ne pouvait être que le diable lui-même ou quelque démon inférieur, et ses fonctions dans ces sombres demeures ne semblaient nullement difficiles à deviner. Néanmoins la voix d’homme qu’il avait entendue était moins celle d’un nécromancien évoquant un démon, que celle d’une personne qui donne des ordres à un animal sauvage sur lequel elle a obtenu un grand empire.

« Honte à moi, dit le comte, si je souffrais qu’un misérable singe… (car c’est le nom, je crois, de cette bête qui ressemble au diable, quoiqu’elle soit deux fois aussi grande que les animaux de la même espèce que j’aie jamais vus) m’empêchât de recouvrer la lumière du jour et ma liberté ; observons seulement avec attention, et il y a à parier que ce gentilhomme velu nous servira de guide vers les régions supérieures. »

Sur ces entrefaites, cette créature bizarre, qui fouillait dans tous les recoins, découvrit enfin le corps du tigre… le toucha, le remua, en faisant mille contorsions, et sembla se lamenter et s’étonner de sa mort. Tout-à-coup Sylvain parut frappé de l’idée que le tigre devait avoir été tué par quelqu’un, et le comte Robert eut le chagrin de le voir saisir de nouveau la clef et s’élancer vers la porte de la prison d’Ursel avec une telle rapidité, que, si son intention avait été de l’étrangler, il eût mis son dessein à exécution avant que le comte de Paris eût pu l’en empêcher. Probablement Sylvain se convainquit par des raisons qui lui parurent satisfaisantes, que la mort du tigre n’avait pu être causée par le malheureux Ursel, mais qu’elle était due à quelqu’un caché dans la première prison.

Grommelant lentement entre ses dents et ayant l’air de se parler à lui-même, tout en regardant avec soin dans chaque coin, cet être colossal, si rapproché et cependant si éloigné de la forme humaine, marchait à pas de loup le long des murailles, déplaçant tout ce