Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité sans avoir été mutilés par le scalpel de la critique dont se serait armée la main d’un faux ami. Honte à celui qui a pensé que cette arme perfide eût pu jamais être tenue par la main d’un frère ! »

J’entendis ce discours non sans une espèce de vertige, qui m’eût probablement étendu sans mouvement aux pieds de mon antagoniste, si une pensée semblable à celle de l’ancienne ballade,


Le comte Percy voit ma chute,


ne m’eût rappelé que ce serait lui fournir une nouvelle occasion de triomphe, car M. Paul Pattison, je ne pouvais en douter, devait être plus ou moins directement dans le secret de cette publication transatlantique, et avait d’une manière ou d’une autre trouvé son intérêt dans cette abominable transaction.

Pour me soustraire à son odieuse compagnie, je lui souhaitai sèchement le bonsoir, et je me mis à descendre la vallée non pas de l’air d’un homme qui vient de se séparer d’un ami, mais plutôt comme une personne qui fuit un importun. Pendant la route, je pesai toutes les circonstances de cette affaire avec une anxiété qui ne contribua nullement à me soulager. Si je m’étais senti en état de me livrer à un tel travail, j’eusse facilement supplanté cette contrefaçon (dont les journaux littéraires publiaient déjà de longues citations), en insérant, dans un nouveau manuscrit que j’eusse fait publier sur-le-champ à Édimbourg, les corrections convenables des diverses contradictions et imperfections auxquelles j’ai déjà fait allusion. Je me rappelais le triomphe facile de la seconde partie authentique des Contes de mon hôte, sur la publication faite par un interlope sous le même titre. Pourquoi, me disais je le même triomphe ne se répéterait-il pas aujourd’hui ? En un mot, il y eût eu dans cette manière de me venger une fierté de talent bien pardonnable dans la position d’un homme offensé ; mais l’état de ma santé a été tel depuis quelque temps qu’une tentative de cette nature eût été de toute manière imprudente.

Dans une telle conjoncture, ces dernières productions de Pierre Pattison doivent être acceptées du public en l’état même où elles furent laissées sur son bureau ; et je me réfugie humblement dans l’espoir que, telles qu’elles sont, elles pourront obtenir l’indulgence de ceux qui se sont toujours montrés bienveillants pour les productions de sa plume, ainsi que pour celui qui a l’honneur d’être, du lecteur bénévole, le très reconnaissant serviteur,

J. C.
Gandercleugh, 15 octobre 1831.