Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/208

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tures de la nuit que nous avons déjà vue, et le succès si heureux qu’il avait obtenu dans un si grand danger, lui firent concevoir l’espoir, espoir auquel il ne se livrait qu’en tremblant, que Brenhilda, par sa dignité et sa valeur, serait en état de se défendre contre toute attaque de fraude ou de violence, jusqu’à ce qu’il pût trouver moyen de pénétrer jusqu’à elle et de la délivrer. « J’aurais dû avoir plus d’égard, hier au soir, à l’avertissement de Bohémond, se disait-il, qui me donna à entendre aussi clairement que s’il me l’eût dit en propres termes, que cette coupe de vin était une potion préparée avec quelque drogue ! Mais alors honte à lui comme à un chien avare ! comment pouvais-je penser qu’il soupçonnât rien de semblable, lorsque, loin de s’expliquer comme un homme de cœur, par insensibilité ou par un vil égoïsme, il m’a laissé courir le risque d’être empoisonné par l’astucieux despote ? »

Ici il entendit la voix partant du même point qu’auparavant. Holà ! hé ! holà ! étranger ! vivez-vous encore ou avez-vous été massacré ? Que signifie cette odeur étouffante de fumée ? Pour l’amour de Dieu, répondez à celui dont les yeux, fermés, hélas ! pour jamais, ne peuvent rien lui apprendre ! — Je suis délivré, répondit le comte, et le monstre destiné à me dévorer a rendu le dernier soupir. Je voudrais, mon ami Ursel, puisque tel est ton nom, que tu jouisses encore de l’avantage de la vue et que tu eusses été témoin du combat de tout à l’heure ; cela en eût valu la peine, quand même tu serais redevenu aveugle une minute après, et c’eût été d’un grand secours pour quiconque aura la tâche d’écrire mon histoire. »

Tandis qu’il exprimait ainsi la vanité qui le dominait fortement, il ne perdit pas de temps pour chercher quelque moyen de s’échapper de sa prison, car c’était le seul moyen de retrouver la comtesse. À la fin, il découvrit une porte dans le mur, mais elle était fermée par une forte serrure et des verroux. « J’ai trouvé le passage, cria-t-il, et il est dans la direction de ta voix mais comment ferai-je pour ouvrir la porte ? — Je t’apprendrai ce secret ; je désirerais pouvoir aussi aisément défaire chaque verrou qui nous sépare du grand air ; mais, pour ce qui regarde ta réclusion dans ton cachot, lève la porte de toutes tes forces ; tu élèveras les verroux jusqu’à un endroit où, en poussant la porte devant toi, ils trouveront une rainure taillée dans la muraille, et permettront à la porte de s’ouvrir. Plût à Dieu que je pusse te voir, non seulement parce qu’étant un homme courageux, tu dois faire plaisir à voir ;