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CHAPITRE XV.

LA PRISON D’ÉTAT.


Le comte de Paris et sa femme furent logés cette nuit dans le palais impérial de Blaquernal. Leurs appartements étaient contigus ; mais la porte de communication fut fermée, et des barres de fer y furent posées. Cette précaution les surprit. Cependant l’observance de la fête de l’Église leur ayant été objectée, cette excuse leur parut assez admissible, et ils cessèrent de penser à une mesure aussi extraordinaire. Ni le comte ni sa femme ne concevaient, comme on peut le croire, la moindre crainte pour leur sûreté personnelle. Marcien et Agathe ayant rempli auprès de leurs maîtres leur service habituel, les quittèrent pour aller chercher le repos dans les appartements qui étaient assignés aux officiers inférieurs du palais.

Le jour précédent s’était écoulé tout entier au milieu des embarras et de l’agitation des affaires des cérémonies ; tout avait dû porter les esprits à une sorte d’exaltation. Peut-être aussi le vin consacré aux lèvres impériales, et dont le comte Robert avait bu une seule mais copieuse rasade, avait-il plus de puissance que le jus savoureux et délicat du raisin de Gascogne, auquel le comte était habitué. Lorsqu’il s’éveilla, il pensa qu’il avait dormi longtemps, que le jour aurait dû éclairer sa chambre, et il se trouvait dans l’obscurité la plus profonde ! Quelque peu surpris, il jeta vivement les yeux autour de lui, mais il ne put rien distinguer, si ce n’est deux points d’une lumière rougeâtre qui brillaient au milieu de l’obscurité comme les yeux d’un animal sauvage qui regarde sa proie. Le comte sortit du lit pour se couvrir de son armure, précaution nécessaire si ce qu’il apercevait était réellement quelque animal dangereux échappé de sa chaîne ; mais à l’instant où il fit ce mouvement, un bruit terrible s’éleva, tel que le comte n’en avait jamais entendu, et comparable aux mugissements de mille monstres à la fois ; à ce bruit vint se joindre le cliquetis d’une chaîne de fer, comme si un animal monstrueux, voulant s’élancer vers le lit, eût été retenu fortement à l’attache. Les rugissements devinrent alors si effrayants, que le comte pensa qu’ils devaient retentir dans tout le palais. Il apercevait alors plus distinctement les deux prunelles étincelantes, et il était évident que l’animal était plus