Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échapper ont déjà été imprimés ; ils sont répandus dans toute l’Amérique, et les journaux anglais retentissent de cette nouvelle. »

Je reçus cette communication avec la même égalité d’âme que j’eusse supporté un coup dans l’estomac, appliqué par un gladiateur moderne de toute la vigueur de son poing.

« Si cette nouvelle est vraie, monsieur Pattison, dis-je, je dois nécessairement vous soupçonner d’être la personne qui a livré à la presse étrangère la copie dont les imprimeurs ont fait un usage peu délicat, sans égard aux droits incontestables des propriétaires du manuscrit original ; et je demande à savoir si cette publication américaine comprend les changements que vous aviez, ainsi que moi, jugé nécessaire d’apporter à l’ouvrage pour le mettre en état de paraître aux yeux du public. »

Mon homme vit qu’il était nécessaire de répondre directement à cette interpellation, car mes manières étaient imposantes et mon ton décisif ; son audace naturelle le mit néanmoins en état de faire contenance, et il répondit avec assurance :

« Ces manuscrits, sur lesquels vous élevez des prétentions peu fondées, monsieur Cleishbotham, n’ont jamais été livrés par moi à personne, et doivent avoir été envoyés en Amérique ou par vous ou par quelqu’une des différentes personnes à qui je sais positivement que vous avez accordé la faculté d’examiner les manuscrits que mon frère laissa en mourant. — Monsieur Pattison, je prendrai la liberté de vous rappeler qu’il n’a jamais pu entrer dans mes intentions de livrer, soit de mes propres mains, soit par celles d’un autre, les manuscrits à la presse, jusqu’à ce que, par les changements que j’avais médités et que vous vous étiez vous-même engagé à effectuer, ils pussent, sans inconvénient, être livrés au public. »

M. Pattison me répondit avec beaucoup de véhémence :

« Monsieur, je voudrais que vous sussiez que, si j’ai accepté vos offres mesquines, c’était moins pour les avantages que j’en pouvais retirer, que pour l’honneur et la renommée littéraire de feu mon frère. Je prévis que, si je vous refusais, vous n’hésiteriez pas à confier cette tâche à des mains incapables, ou peut-être à vous en charger vous-même, qui êtes de tous les hommes le moins propre à porter la main sur les œuvres de ce génie rendu à la tombe, et c’était ce qu’avec l’aide de Dieu j’étais résolu de prévenir… mais la justice du ciel est elle-même intervenue dans cette affaire. Les derniers travaux de Pierre Pattison passeront maintenant à la posté-