Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Restait Paul Pattison, sans aucun doute, l’objet le plus naturel et le plus convenable de mon indignation, puisque l’on pouvait dire que je le tenais en mon pouvoir, et pouvais le punir en le renvoyant quand bon me semblerait. Néanmoins, des mesures de vengeance contre ledit Paul, quelque aisées qu’elles eussent été à effectuer, eussent pu avoir de sérieuses conséquences pour ma bourse ; et je commençai à réfléchir avec amertume que, dans ce monde, la route par laquelle nous arrivons à satisfaire notre ressentiment est rarement celle qui conduit à l’avancement de nos intérêts, et que l’homme sage, le verè sapiens, ne doit pas hésiter sur le choix de celle qu’il doit prendre.

Je fis aussi réflexion que j’ignorais complètement jusqu’à quel point mon sous-maître actuel s’était réellement rendu coupable des actes de vanterie dont il était accusé.

En un mot, je m’aperçus que ce serait agir à la légère que d’aller tout d’un coup, et sans avoir pesé mûrement les divers punctiuncula qui s’y rattachaient, rompre une entreprise à fonds communs ou société, comme l’appellent les jurisconsultes, qui, si elle était avantageuse à ma partie adverse, promettait du moins de ne l’être pas moins pour moi, son supérieur en âge, en savoir et en réputation. Mû par cette considération et autres semblables, je résolus de procéder avec la prudence convenable en cette occasion, et de ne pas établir trop brusquement mes griefs dès le premier abord, de peur d’aggraver le mal, et de transformer en une rupture ouverte ce qui pouvait ne se trouver au fond qu’un petit mal-entendu facile à expliquer ou à excuser ; c’était peut-être quelque chose de semblable à une voie d’eau dans un nouveau vaisseau qui, étant une fois découverte et soigneusement bouchée, ne fait que rendre le bâtiment plus en état de tenir la mer.

Au moment à peu près où je venais d’adopter cette conciliante résolution, j’atteignis l’endroit où un monticule escarpé semble terminer la vallée, et la partage en deux ravins, ayant chacun leur ruisseau, enfant de la montagne. L’un de ces ruisseaux est le Gruff-Quack, et sur la gauche coule le Gusedub, moins profond, mais plus bruyant que son voisin, auquel il s’unit pour former la Gander proprement dite. Dans chacune de ces petites vallées serpente un sentier rendu plus commode par le travail des pauvres pendant la saison rigoureuse de l’année qui vient de s’écouler. L’un porte le nom de sentier de Pattison, tandis que l’autre a été obligeamment consacré à ma mémoire sous celui de Dominie’s Dailding-bit. J’é-