Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/177

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point passé devant moi sur le champ de bataille. Mais à une dame, surtout aussi belle, je cède volontiers ma place, et mets un genou en terre devant elle toutes les fois que j’ai la bonne fortune de la rencontrer. »

La princesse Anne, au lieu de se sentir embarrassée en s’acquittant de la tâche extraordinaire, et comme elle eût pu le penser, même dégradante, d’introduire un chef barbare au banquet, se trouva au contraire flattée d’avoir plié à sa volonté un cœur tel que celui du comte Robert ; elle semblait éprouver un certain degré de satisfaction orgueilleuse, tandis qu’elle se trouvait sous sa protection momentanée.

L’impératrice Irène avait déjà pris place au haut de la table. Elle parut un peu étonnée lorsque sa fille et son gendre, prenant leurs sièges à sa droite et à sa gauche, invitèrent le comte et la comtesse de Paris, le premier à occuper un lit, et la seconde un siège à leurs côtés. Mais elle avait reçu de son époux les ordres les plus positifs de montrer en tout point de la déférence aux étrangers, et en conséquence elle ne jugea pas convenable d’objecter aucun scrupule cérémonieux.

La comtesse prit le siège qui lui était indiqué près du césar ; et le comte, au lieu de se coucher à demi à la manière des Grecs, s’assit aussi à la mode des Européens auprès de la princesse.

« Je ne me tiendrai point étendu, » dit-il en riant, « à moins d’un coup assez pesamment appuyé pour me forcer à le faire, et encore faudrait-il que je ne fusse point en état de me relever et de le rendre. »

Le service de la table commença alors ; et, à dire le vrai, il parut être une partie importante des occupations de la journée. Les officiers de la bouche qui se tenaient présents pour remplir leurs diverses fonctions de maîtres-d’hôtel, d’écuyers tranchants, de desservants, de dégustateurs de la famille impériale, se pressaient dans la salle du banquet, et semblaient lutter de zèle à accabler Agelastès de demandes d’épices, d’assaisonnements, de sauces et de vins de diverses espèces ; la diversité et la multiplicité de leurs exigences avaient l’air d’être calculées tout exprès pour faire perdre patience au philosophe. Mais Agelastès, qui avait prévu la plupart de leurs demandes, quelque extraordinaires qu’elles fussent, les satisfit complètement, ou à très peu de chose près, en mettant à contribution l’activité de son esclave Diogène sur lequel il trouva