Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/173

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d’aucun roi sur la terre, nous ne prétendons pas être plus grands que ces dignes chevaliers ; et en conséquence nous avons consenti à rendre le même hommage. »

L’impératrice rougit plusieurs fois d’indignation pendant ce discours qui, dans plus d’un passage, était en opposition avec les maximes hautaines de la cour impériale, et dont le ton général tendait évidemment à déprécier la puissance de l’empereur. Mais Irène avait reçu de son impérial époux l’avis secret qu’elle eût à se garder de faire naître, et même de saisir les occasions de querelle avec les croisés ; car ceux-ci, tout en acceptant le nom de sujets, étaient néanmoins trop pointilleux et trop prompts à se fâcher pour qu’on pût sans péril discuter avec eux sur les différences délicates d’opinion. Elle fit donc une gracieuse révérence, comme si elle avait à peine compris ce que le comte de Paris lui avait si brusquement expliqué.

En ce moment, l’attitude des principaux personnages de part et d’autre excitait, au delà de tout ce qu’on peut imaginer, leur attention mutuelle, et il semblait exister parmi eux un désir égal de faire plus ample connaissance, et en même temps une hésitation manifeste d’énoncer une telle envie.

Agelastès… pour commencer par le maître de la maison, s’était relevé de terre, mais sans oser tout-à-fait redresser sa taille. Il restait donc devant les princesses impériales le corps et la tête encore inclinés, une main placée entre ses yeux et leurs visages, comme un homme qui voudrait garantir sa vue de la lumière trop vive du soleil, et attendait en silence les ordres de ces illustres personnes ; il semblait regarder comme un manque de respect de faire le moindre mouvement, sinon pour témoigner en général que sa maison et ses esclaves étaient absolument à leur service. La comtesse de Paris, d’un autre côté, et son intrépide époux, étaient les objets d’une curiosité particulière pour Irène et pour sa docte fille Anne Comnène ; et ces deux princesses pensaient qu’elles n’avaient jamais vu deux plus beaux échantillons de la force et de la beauté humaine ; mais, par un instinct naturel, elles préféraient le fier maintien du mari aux grâces de la femme, qui, pour les yeux de son sexe, avait trop de sévérité dans les traits.

Le comte Robert et son épouse avaient aussi leur objet d’attention dans le groupe qui venait d’arriver, et, à vrai dire, ce n’était rien autre chose que le monstrueux animal, qu’ils voyaient alors pour la première fois, employé comme bête de somme au service