Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/170

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grecs, en mangeant assises. Si les plats qu’on voyait sur la table n’étaient pas nombreux, du moins ils le cédaient à peine en qualité aux mets splendides qui avaient autrefois décoré le banquet de Trimalcion, aux friandises plus délicates de la cuisine grecque, ou aux ragoûts succulents et épicés des nations orientales, quels que fussent ceux auxquels on donnât la préférence ; et ce fut avec un certain air de vanité qu’Agelastès pria ses hôtes de vouloir bien partager le repas du pauvre ermite.

« Nous ne nous soucions guère de friandises, dit le comte, et le genre de vie que nous menons actuellement comme pèlerins liés par un vœu ne nous permet pas d’être fort difficiles sur l’article des vivres. La nourriture des simples soldats nous suffit, à la comtesse et à moi ; car notre volonté serait d’être à toute heure prêts au combat ; et, moins nous mettons de temps à nous y préparer, plus nous sommes contents. Asseyons-nous donc, Brenhilda, puisque ce brave homme le veut ainsi, et ne perdons pas trop de temps à nous rafraîchir, de peur de nous repentir de ne l’avoir point employé autrement. — Pardon, mais attendez un instant, dit Agelastès, jusqu’à l’arrivée de mes autres amis, dont vous pouvez entendre la musique se rapprocher, et qui ne tarderont pas long-temps, je puis vous en répondre, à venir partager votre repas. — Quant à cela, répondit le comte, rien ne presse ; et puisque vous y voyez un acte de politesse, Brenhilda et moi nous pouvons aisément attendre, à moins que vous ne nous permettiez, ce qui nous serait plus agréable, je l’avoue, de prendre tout de suite une bouchée de pain et un verre d’eau, et, ainsi restaurés, de faire place à des hôtes qui sont plus délicats et plus intimes avec vous. — Les saints vous gardent d’un pareil projet ! dit Agelastès ; des hôtes plus respectables que vous n’ont jamais pressé ces coussins, et je ne me trouverais pas plus honoré, quand même la famille très sacrée de l’empereur Alexis serait en ce moment à ma porte. »

Il avait à peine prononcé ces mots que des fanfares de trompettes, dix fois plus bruyantes que les sons de la musique qu’ils avaient déjà entendue, retentirent en face du temple, traversant le murmure de la cascade comme une lame de damas traverse une armure, et parvenant aux oreilles des auditeurs, comme le sabre fend la chair de celui qui porte la cuirasse.

« Vous semblez surpris ou alarmé, père, dit le comte, redoutez-vous un danger ? ne vous fiez-vous pas à notre protection ? — Assurément, répliqua Agelastès, elle ferait naître ma confiance dans tous