Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/169

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berger semblait se cacher, comme honteux de se montrer à demi vêtu, tandis qu’il semblait prêt à faire entendre les sons de la flûte champêtre qu’il tenait à la main ; trois jeunes filles, ressemblant aux Grâces par les proportions de leurs membres et les vêtements fort légers qu’elles portaient, semblaient n’attendre que les premiers sons de la musique pour sortir de leur niche et commencer une danse joyeuse. Le sujet était gracieux, mais un peu futile, pour décorer la demeure d’un sage tel qu’Agelastès prétendait l’être.

Il parut sentir que cette réflexion pouvait venir à l’esprit de ses hôtes : « Ces statues, dit-il, exécutées à l’époque de la plus grande perfection de l’art grec, étaient jadis considérées comme formant un chœur de nymphes assemblées pour adorer la déesse du lieu, et n’attendant que la musique pour commencer les cérémonies religieuses. Et, en vérité, les hommes les plus sages peuvent trouver de l’intérêt à voir jusqu’à quel point le génie admirable de ces artistes a su donner la vie au marbre inflexible. Admettez seulement l’absence du souffle divin et de la respiration, et un païen ignorant pourrait supposer que le miracle de Prométhée est sur le point de se réaliser. Mais nous, » dit-il, en levant les yeux au ciel, « nous avons appris à former un jugement plus sain entre ce que l’homme peut faire et les productions de la divinité. »

Quelques sujets d’histoire naturelle étaient peints sur les murailles, et le philosophe attira l’attention de ses hôtes sur l’éléphant, animal presque doué de raison, dont il leur conta différentes anecdotes qu’ils écoutèrent avec beaucoup d’intérêt.

On entendit alors les sons lointains d’une musique qui semblait partir du bois ; de temps à autre cette musique dominait le bruit sourd de la cascade qui tombait juste en face des fenêtres, en remplissant l’appartement de sa voix rauque.

« Apparemment, dit Agelastès, les amis que j’attends approchent, et apportent avec eux les moyens d’enchanter un autre sens. Ils n’ont pas tort, car la sagesse nous apprend que c’est honorer la divinité que jouir des dons qu’elle nous a faits. »

Ces mots attirèrent l’attention des deux hôtes Francs du philosophe sur les préparatifs qui avaient été faits dans ce joli salon. Ils annonçaient un festin à la manière des anciens Romains ; des lits, rangés près d’une table déjà servie, indiquaient que les convives masculins assisteraient au banquet, dans la posture ordinaire des anciens ; tandis que des sièges, placés entre ces lits, annonçaient qu’on attendait aussi des femmes qui se conformeraient aux usages