Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/166

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qui osent insulter sur une grande route, où rien ne devrait troubler la paix de Dieu et du roi, des nobles dames et des pèlerins inoffensifs. Cette question sera sur ma liste avec quelques autres que, mon vœu une fois accompli, je ne manquerai pas de lui faire ; oui, et j’en exigerai une réponse prompte et catégorique. »

« En attendant, vous n’obtiendrez pas de réponse de moi, » se dit Agelastès à lui-même. « Vos questions, seigneur chevalier, sont trop péremptoires, et faites à de trop rigides conditions pour qu’on y réponde quand on peut les éluder. »

Aussi changea-t-il de conversation avec autant d’aisance que d’adresse, et ils ne tardèrent pas à entrer dans un endroit dont les beautés naturelles excitèrent l’admiration des deux étrangers. Un large ruisseau sortant du bois descendait vers la mer avec un grand fracas ; et comme s’il dédaignait une route plus tranquille qu’il aurait pu obtenir par un petit détour vers la droite, il prenait le plus court chemin vers l’Océan, roulant sur la surface d’un rocher aride et escarpé suspendu au rivage, et jetant de là son faible tribut, avec autant de bruit que si c’eût été celui d’un grand fleuve, dans les eaux de l’Hellespont.

Le rocher, comme nous l’avons dit, n’était couvert que par les eaux écumantes de la cataracte ; mais les bords de chaque côté étaient garnis de platanes, de noyers, de cyprès, et d’autres grandes espèces d’arbres particulières à l’Orient. La chute d’eau, chose toujours agréable dans un climat chaud, et généralement produite par des moyens artificiels, était ici naturelle et avait été choisie, à peu près comme le temple de la Sibylle à Tivoli, pour le séjour d’une déesse à qui le polythéisme avait attribué la souveraineté de tous les alentours. Le pavillon était petit et circulaire, comme la plupart des temples de second ordre des divinités champêtres, et entouré par le mur d’une cour extérieure. Après avoir cessé d’être un lieu sacré, il avait été converti en une voluptueuse habitation d’été par Agelastès ou par quelque autre philosophe épicurien. Comme le bâtiment, d’une construction légère, aérienne et fantastique, ne se laissait qu’à peine apercevoir à travers les branches et le feuillage sur le penchant du rocher, on ne voyait pas d’abord, à travers le brouillard de la cascade, comment on pouvait y arriver. Un sentier, en grande partie caché par la végétation, y montait en pente douce, et prolongé par l’architecte, au moyen de quelques marches en marbre, larges et commodes, faisant partie de l’ancien escalier, conduisait le voyageur sur une petite, mais charmante pe-