Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/164

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droit une troupe de Scythes païens qui présentaient tous les traits difformes des démons que ces peuples adoraient, dit-on. C’étaient des nez plats avec de larges narines qui semblaient permettre à l’œil de voir jusque dans leur cerveau, des faces plus larges que longues avec des yeux singuliers et sans intelligence fort éloignés l’un de l’autre ; enfin, des tailles de nains, avec des jambes et des bras d’une force étonnante, disproportionnés à leurs corps. Lorsque les voyageurs passèrent, ces sauvages formaient une espèce de tournoi, suivant l’expression qu’employa le comte. Ils s’exerçaient à se lancer les uns aux autres de longs bâtons ou roseaux, qu’ils brandissaient long-temps, et qu’ils jetaient ensuite avec tant de force, qu’il leur arrivait souvent, dans cet amusement grossier, de renverser leurs adversaires sur le sable et de leur faire des blessures graves. Quelques uns des combattants qui, pour le moment, n’étaient pas de la partie, dévoraient des yeux la beauté de la comtesse, et la regardaient de telle sorte qu’elle dit au comte son mari : « Je n’ai jamais connu la crainte, mon cher époux, et je ne devrais pas convenir que j’en éprouve maintenant ; mais si le dégoût est un ingrédient de la peur, ces brutes difformes sont bien faites pour l’inspirer. — Holà, ho ! sire chevalier ! » s’écria un des infidèles, « votre femme ou votre maîtresse a commis une infraction aux privilèges des Scythes impériaux, et le châtiment qu’elle a encouru ne sera point léger. Vous pouvez poursuivre votre chemin aussi vite que bon vous semblera hors de ce lieu qui est pour l’instant notre hippodrome, ou notre atmeidan, appelez-le comme il vous plaira, suivant que vous aimerez mieux la langue des Romains ou celle des Sarrasins ; mais quant à votre femme, si le sacrement vous a unis, recevez-en ma parole, elle ne s’éloignera point si vite ni si aisément. — Infâme païen, dit le chevalier chrétien, oses-tu tenir ce langage à un pair de France ? »

Agelastès intervint ici, et prenant le langage pompeux d’un courtisan grec, il rappela aux Scythes, qui paraissaient être des soldats à la solde de l’empire, que toute violence contre les pèlerins d’Europe était, par ordre de l’empereur, rigoureusement défendue sous peine de mort.

« J’en sais plus long que vous, » répliqua le sauvage d’un air de triomphe en secouant deux ou trois javelines munies de larges pointes d’acier et de plumes d’aigle couvertes de sang. « Demandez aux plumes de mes javelines, continua-t-il, de quel cœur vient le sang dont elles sont teintes. Elles vous répondront que, si Alexis