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de rencontrer, et qui a l’air de suivre la même route, ou plutôt d’errer avec lui, en retournant vers Constantinople ? — Un chevalier armé de pied en cap, magnifiquement équipé, mais d’une taille un peu moins chevaleresque, répondit Godefroy. C’est, je suppose, la célèbre dame qui gagna, dans la lice, le cœur de Robert par une bravoure égale à la sienne ; et la pélerine en robe longue qui les suit peut être leur fille ou leur nièce. — Le singulier spectacle, digne chevalier, que notre temps nous présente ! Nous n’avons rien vu de pareil depuis Gaita, femme de Robert Guiscard, qui sut se distinguer par des prouesses, et rivaliser avec son mari, aussi bien au premier rang de la mêlée que dans la salle de bal ou de banquet. — Telle est la coutume de ce couple, très noble chevalier, ajouta un autre croisé qui les avait rejoints ; et que le ciel prenne en pitié le pauvre homme qui n’a point le pouvoir de maintenir la paix domestique en usant de sa force ! — Eh bien ! répliqua Raymond, si c’est une réflexion un peu mortifiante de songer que la dame de nos pensées aura perdu la fraîcheur de la jeunesse, c’est une consolation de se dire qu’elle sera trop vieille pour nous battre quand nous reviendrons avec le peu de jeunesse ou d’âge mûr qu’une longue croisade nous aura laissé. Mais allons ; suivons la route de Constantinople derrière ce très vaillant chevalier. »


CHAPITRE X.

LE VIEILLARD.


C’était un temps bizarre… antipode du nôtre ; il y avait des dames qui se voyaient plus souvent dans l’acier brillant du bouclier d’un ennemi que dans un miroir, et qui aimaient mieux se battre sur un champ de bataille que badiner avec un amant et résister à ses douces attaques… Mais quoique la nature fût ainsi outragée, elle savait prendre sa revanche.
Les Temps féodaux.


Brenhilda, comtesse de Paris, était une de ces courageuses dames qui pendant la première croisade se hasardaient volontairement aux premiers rangs des combattants, entraînées par une folie devenue aussi générale que pouvait l’être un usage contre nature ; types vivants des Marphise et des Bradamante que les romanciers se plaisaient à dépeindre, en les armant quelquefois d’une cuirasse im-