Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/137

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auraient probablement rejetée en d’autres circonstances, comme ridiculement exigée par les Grecs et comme déshonorante pour eux-mêmes. C’était cette fameuse résolution d’Alexis qu’avant de traverser le Bosphore pour aller chercher cette Palestine qu’ils avaient fait vœu de reconquérir, chaque chef des croisés reconnaîtrait individuellement l’empereur, originairement maître de ces contrées, pour son seigneur et suzerain.

L’empereur Alexis, transporté de joie, vit les croisés arriver d’eux-mêmes à un but où il avait espéré les amener par intérêt plutôt que par raisonnement, quoiqu’on eût pu dire bien des choses pour démontrer que les provinces reconquises sur les Turcs ou les Sarrasins, une fois arrachées aux infidèles, devaient être réunies à l’empire grec dont elles avaient été séparées sans autre prétexte que la violence.

Malgré le peu d’espoir qu’il avait de gouverner cette armée de chefs rudes et fiers tout-à-fait indépendants les uns des autres, Alexis ne manqua pas de s’emparer avec empressement et adresse de la déclaration de Godefroy et de ses compagnons. Cette déclaration portait que l’empereur avait droit à l’allégeance de tous ceux qui combattraient en Palestine, et qu’il était seigneur et suzerain naturel de toutes les conquêtes qui seraient faites dans le cours de l’expédition. Il résolut de rendre cette cérémonie tellement publique, et de frapper les esprits par tant de pompe et de magnificence impériale, qu’elle ne pût ni manquer d’exciter l’attention ni être facilement oubliée.

Une grande terrasse, qui s’étend le long des côtes de la Propontide, fut choisie pour le théâtre de cette magnifique cérémonie. On y éleva un trône superbe, destiné à la seule personne de l’empereur. Dans cette occasion, en ne laissant placer aucun autre siège dans l’enceinte, les Grecs s’efforcèrent de maintenir un point d’étiquette particulièrement cher à leur vanité, à savoir, qu’aucun des assistants ne fût assis à l’exception de l’empereur. Autour du trône d’Alexis Comnène étaient rangés, debout, les différents dignitaires de cette cour splendide, suivant les différentes fonctions, depuis le protosébastos et le césar, jusqu’au patriarche revêtu de ses ornements pontificaux, et Agelastès, portant un simple costume, n’avait pu se dispenser d’assister à cette cérémonie. Derrière, et autour de la cour brillante de l’empereur, s’étendaient, sur plusieurs lignes sombres, les exilés anglo-saxons. En ce jour mémorable, et à leur propre demande, ils ne portaient pas de cui-