Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux myriades de sauterelles qui parurent avant eux et qui nous annonçaient leur approche. — Votre Majesté, dit le patriarche, agira avec sa prudence ordinaire ; pour ma part, j’ai seulement exposé mes doutes, afin de sauver mon âme. — Nous ne faisons point de tort à vos sentiments en les interprétant, très révérend patriarche, répliqua l’empereur ; et quant à vous (s’adressant aux autres conseillers), vous suivrez ces instructions séparées délivrées pour diriger l’exécution des ordres que je vous ai donnés d’une manière générale. Elles sont écrites avec l’encre sacrée, et notre signature sacrée est convenablement nuancée de vert et de pourpre : qu’on les suive donc à la lettre. Nous-même nous prendrons le commandement des bandes d’immortels qui restent dans la ville, et nous y joindrons les cohortes de nos fidèles Varangiens. À la tête de ces troupes, nous attendrons l’arrivée de ces étrangers sous les murs de la ville ; et tout en évitant le combat aussi long-temps que notre politique pourra le différer, nous nous tiendrons prêt, en cas que les choses tournent mal, à embrasser les chances qu’il plaira à la Divinité de nous envoyer. »

À ces mots, le conseil se sépara, et les différents chefs commencèrent à se mettre en mouvement pour l’exécution de leurs instructions civiles et militaires, secrètes ou publiques, favorables ou hostiles aux croisés. Le caractère particulier du peuple grec se montra à découvert dans cette occasion : leurs discours bruyants et fanfarons étaient en harmonie avec les idées que l’empereur désirait inculquer aux croisés sur l’étendue de son pouvoir et de ses ressources ; et l’on ne doit pas chercher à dissimuler que l’astucieux égoïsme de plusieurs de ceux qui se trouvaient au service d’Alexis, ait cherché quelque voie indirecte pour mettre à exécution les instructions de l’empereur de la manière la plus convenable à leurs desseins particuliers.

Sur ces entrefaites, la nouvelle qu’une armée immense formée de peuples de l’Occident arrivait sur les limites de l’empire grec avec le projet de passer en Palestine, s’était répandue dans Constantinople. Mille rapports divers grossissaient encore un événement si étonnant. Les uns disaient que le but des croisés était la conquête de l’Arabie, la destruction du tombeau du prophète, et la conversion de sa bannière verte en une housse de cheval pour le frère du roi de France ; d’autres supposaient que la ruine et le sac de Constantinople était l’objet réel de la guerre. Une troisième classe pensait que c’était pour forcer le patriarche à se soumettre