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L’historique de mes premières publications est suffisamment connu, et je n’ai point renoncé au projet de terminer ces Contes de mon hôte, qui avaient eu un succès si remarquable ; mais la mort, qui vient à la dérobée saisir chacun de nous, trancha les jours de l’intéressant jeune homme à la mémoire duquel je composai une inscription et fis élever, à mes frais, le monument qui protège ses restes au bord de la rivière Gander, rivière qu’il a si grandement contribué à rendre immortelle, et dans un lieu de son choix, à peu de distance de l’école confiée à mes soins. En un mot, l’ingénieux M. Pattison a été retiré de ce monde.

Je ne me bornai point à m’occuper de sa renommée posthume, mais j’inventoriai et conservai soigneusement les effets qu’il avait laissés après lui, c’est-à-dire une garde-robe, et plusieurs livres de quelque valeur, auxquels étaient joints certains manuscrits horriblement raturés. En les parcourant, je m’aperçus qu’ils contenaient deux contes ayant pour titre : Le comte Robert de Paris et le Château dangereux ; mais je fus sérieusement désappointé lorsque je reconnus qu’ils étaient loin de cet état de correction qui fait dire à une personne entendue qu’un écrit, dans le langage technique de la librairie, est prêt à mettre sous presse. Il s’y trouvait non seulement des hiatus valdè deflendi, mais même de fâcheuses contradictions et d’autres fautes que l’écrivain, s’il eût assez vécu pour cela, eût sans aucun doute fait disparaître. Après une lecture attentive, je me flattai néanmoins que ces manuscrits, avec tous leurs défauts, contenaient çà et là des passages desquels il ressortait clairement que les rigueurs de la maladie n’avaient pu complètement éteindre cette imagination brillante qu’on s’était plu à reconnaître dans les créations du Vieillard des Tombeaux, de la Fiancée de Lammermoor, et autres récits de cette collection. Je n’en serrai pas moins les manuscrits dans mon tiroir, prenant la résolution de ne point les soumettre à l’épreuve de Ballantyne[1] jusqu’à ce que je pusse me procurer l’aide de quelque personne capable de remplir les lacunes et de faire disparaître les incorrections, de manière à les faire paraître avec avantage aux yeux du public, ou enfin jusqu’à ce que de nombreuses et plus sérieuses occupations me permissent de consacrer moi-même mon temps et mon travail à cette tâche.

Dans cette incertitude, on m’annonça la visite d’un étranger, désirant me parler pour affaires particulières. J’augurai d’abord

  1. Fameux imprimeur d’Édimbourg.a. m.