Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/104

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— Il est inutile de parler de cela, » dit le Varangien avec une contenance froide.

« Ces Normands, demanda l’empereur, sont donc ceux par qui la célèbre île de la Grande-Bretagne est aujourd’hui conquise et gouvernée ? — Il n’est que trop vrai, répondit le Varangien. — C’est donc un peuple brave et belliqueux ? — Il serait bas et déloyal de parler mal d’un ennemi. Ils m’ont fait du tort, et un tort irréparable ; mais dire des faussetés sur leur compte ne serait que la vengeance d’une femme. Quoiqu’ils soient mes ennemis mortels, et qu’ils ne m’offrent que des souvenirs de haine et d’exécration, je ne puis m’empêcher de dire que, si toutes les troupes de l’Europe étaient rangées en ligne comme il paraît qu’elles le seront, aucune nation ou peuplade n’oserait, pour la bravoure, réclamer le pas sur les fiers Normands. — Et ce duc Robert, qu’est-il ? — C’est ce que je ne puis aussi bien expliquer. Il est fils, le fils aîné, dit-on, du tyran Guillaume, qui subjugua l’Angleterre, lorsque je n’étais encore qu’au berceau. Ce Guillaume, le vainqueur d’Hastings, est aujourd’hui mort, assure-t-on ; mais comme son fils aîné, le duc Robert, a hérité du duché de Normandie, il semblerait que quelque autre de ses enfants a été assez heureux pour acquérir le trône d’Angleterre… À moins que, comme la ferme de quelque paysan obscur, ce beau royaume n’ait été divisé entre tous les enfants du tyran. — Nous avons appris à ce sujet, dit l’empereur, quelque chose que nous essayerons de concilier à loisir avec le récit de ce brave soldat ; regardons les paroles de cet honnête Varangien comme des témoignages positifs dans tout ce qu’il affirme savoir par lui-même. Et maintenant, mes graves et dignes conseillers, il est temps de clore le service du soir dans le temple des Muses. Ces nouvelles affligeantes, apportées par notre très cher gendre le césar, nous ont fait prolonger la cérémonie de notre culte envers ces savantes déesses plus avant dans la nuit que ne le comporte la santé de notre épouse et de notre fille bien-aimées ; d’ailleurs cette communication nous offre à nous-mêmes un sujet de grave délibération. »

Les courtisans épuisèrent leur génie à faire au ciel les prières les plus ingénieuses, pour qu’il détournât toutes les conséquences funestes que pouvait entraîner cette vigilance excessive.

Nicéphore et sa belle épouse causèrent ensemble comme deux personnes également désireuses de mettre un terme à la mésintelligence accidentelle qui avait eu lieu entre elles. « En rendant compte de cette effrayante nouvelle, mon césar, disait la princesse, tu as