Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/92

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les épaules larges, les membres forts, bien accouplés et bien arrondis, conduisit le brave Smith à la porte de l’Est. Un connaisseur aurait remarqué dans l'œil de l’animal une étincelle de ce caractère vicieux qui accompagne d’ordinaire une forme très-vigoureuse et très-dure à la fatigue ; mais le poids, les harnais, et la main du cavalier, l’exercice soutenu d’un long voyage encore récent, avaient pour le présent abattu son opiniâtreté. Henri Smith venait avec l’honnête fabricant de bonnets, celui-ci, comme on l’a déjà dit, était un petit homme tout rond et à courtes jambes ; enveloppé d’un manteau écarlate sur lequel reposait une carnassière ; il était perché comme une petite pelote rouge au sommet d’une selle gigantesque. La selle et l’individu étaient sanglés sur l’épine dorsale d’une grande jument flamande, qui tenait le nez levé en l’air comme un chameau ; elle avait une longue touffe de poils à chaque pieds, et chaque sabot avait pour le moins la circonférence d’une poêle à frire. Le contraste entre la bête et le cavalier était si bizarre et si extraordinaire que, tandis que les passants se creusaient la tête à chercher comment il avait pu monter jusque-là, ses amis pressentaient déjà avec douleur les dangers qu’il courrait pour descendre ; car les pieds du cavalier si haut juché étaient loin de venir jusqu’au bas de la selle. Il s’était joint au forgeron, dont il avait épié le passage dans l’intention de faire route avec lui. Car c’était l’opinion d’Olivier Proudfute que des hommes d’action se montraient plus avantageusement quand ils étaient l’un près de l’autre ; et il fut ravi quand un polisson de la dernière classe sut se contenir assez pour s’écrier, sans rire aux éclats : « Voilà l’orgueil de Perth ! voilà les redoutables artisans, le vaillant Smith du Wynd et le hardi bonnetier ! »

Il est vrai que le drôle qui criait ainsi poussait en même temps sa langue dans sa joue, en regardant quelques autres gamins dignes de lui ; mais comme le bonnetier ne voyait pas cet aparté, il lui jeta généreusement un sou d’argent pour l’encourager à respecter les gens belliqueux. Cette munificence attira à leur suite une bande d’enfants riant et criant, jusqu’à l’instant où Henri Smith faisant volte-face menaça de fouetter le premier qui crierait encore, menace dont ils n’attendirent pas l’exécution.

« Voici les témoins ; nous voilà, » s’écria le petit homme au grand cheval, lorsqu’ils rejoignirent Simon Glover à la porte de l’Est ; « mais où sont ceux qui nous doivent appuyer ? Ah ! frère Henri,